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CA et présidents : une bonne intention, de mauvaises solutions

Posted By Jean-Yves Mérindol On 5 juillet 2007 @ 14:23 In Autonomie, Universités | Comments Disabled

Le projet de loi sur les universités change plusieurs points dans les relations entre le CA et le président. L’une des innovations majeure, sur laquelle cette note attire l’attention parce qu’elle est peu commentée, est que le mandat du président et celui du CA coïncideraient, pour une durée de 4 ans, et que c’est à chaque renouvellement de CA que celui-ci décidera du choix du président. Ce point, inspiré par le fonctionnement des assemblées politiques (conseils municipal, général ou régional) introduit un changement que je crois globalement négatif. C’est l’objet de cette note que d’expliquer mon point de vue.

L’idée de bon sens, et qu’on ne peut que soutenir, qui préside à l’alignement du mandat du président sur celui du CA est d’espérer que le président aura, pendant 4 ans, une majorité stable sur la base d’un projet qui aura été présenté en amont aux électeurs « internes » à ce CA (enseignants, étudiants, ATOS), qui sont les seuls à voter pour le choix du président. Ce dispositif va pousser à la constitution de listes de candidats aux élections au CA, ayant indiqué dès leur dépôt de candidature quel projet de quel candidat à la présidence ils défendent. Ce mécanisme, classique dans les élections politiques, fonctionne pour ces dernières (hors le cas des toutes petites communes, qui ne sont guère assimilables aux universités) parce que les partis politiques jouent un rôle central dans la constitution des listes de candidats et dans l’élaboration des contrats de mandature.

Il n’y a dans le monde universitaire aucune institution qui ait sur ce sujet (établir des listes, faire des arbitrages pré-électoraux) et vis-à-vis des élections universitaires, la légitimité qu’ont les partis politiques vis-à-vis des élections politiques.

L’expérience montre que les collectifs qui peuvent se mobiliser sont les suivants : les grands champs disciplinaires et leurs lobbies (ce qui peut regrouper des alliances entre composantes internes), les syndicats, les partis politiques (souvent en lien avec les collectivités territoriales). Le faible nombre d’élus qui participeraient à l’élection d’un président (15 à 22 pour plusieurs dizaines de milliers d’électeurs potentiels) va rendre plus cruciale qu’aujourd’hui cette phase de pré-sélection et les choix d’alliances entre ces diverses forces. Les partenaires extérieurs (collectivités locales, monde économique et social) qui sont exclus du choix du président[1] [1], vont devoir par la force des choses s’intéresser aussi, plus qu’aujourd’hui, à cette phase amont, et seront incités à afficher à ce stade leurs préférences, voire à organiser les alliances.

La conséquence principale sera une politisation des élections universitaires rendue nécessaire par la rareté des places d’élus. Une conséquence secondaire est de ne guère laisser de chance à l’arrivée d’un président issu d’une autre université, sujet sur lequel je reviendrai à la fin de cette note.

Les conséquences dépendront des rapports de forces locaux. Voici deux typologies, mais il y aura des variantes (liste de directeurs d’UFR et/ou d’Instituts):

  • Dans certaines universités, par exemple celles qui sont la juxtaposition de deux grands secteurs disciplinaires, l’un d’entre eux, soit parce qu’il est majoritaire, soit parce qu’il conclut un jeu d’alliance gagnant, peut durablement prendre le pouvoir, ce qui n’est pas sain. Ces situations existent déjà, mais elles seront facilitées par le faible nombre des membres qui décident du choix du président.
  • Là où les disciplines peineront à diriger ces jeux internes, ce sera l’alliance entre syndicats, parfois avec le soutien de forces politiques extérieures, qui vont diriger les jeux d’alliance et de constitution des listes.

Le mode de scrutin retenu pour les enseignants est celui qui dans le cadre scrutin municipal donne des majorités stables. Mais la composition du CA par collèges (au moins 4 collèges: professeurs, autres enseignants, étudiants, IATOS) ne permet pas d’assurer que cette prime à une majorité dans un collège va permettre une majorité globale : il suffit par exemple que les professeurs et les autres enseignants soutiennent un projet opposé pour se neutraliser dans le CA. Mais cette prime rend plus indispensable le jeu des alliances a priori, avant les élections, pour espérer avoir des élus. Ce qui renforce les considérations précédentes.

Interne/externe : Un point positif du projet de loi est l’élargissement du vivier possible des présidents puisqu’ils doivent « appartenir à une catégorie de personnels ayant vocation à enseigner dans les établissements » et ne plus être obligatoirement enseignants-chercheurs dans l’université. Puisque la logique des élections au CA est de se faire sur la base d’un projet présenté par un candidat, ce seront les candidats internes qui seront en situation de mettre en place de telles listes et l’arrivée d’un président qui n’est pas déjà enseignant dans l’université qu’il souhaite présider est quasiment impossible, ce qui est dommage.

S’ajoute une question pratique. Cet élargissement, pour être réel, devrait s’accompagner de démarches de recherche de candidats extérieurs par un «comité de sélection » qui aurait besoin de temps, mettons entre 6 mois et 1 an, pour arriver à un choix sérieux. Le nouveau texte qui prévoit un mandat court (4 ans) et la fin du mandat du président avec celui du CA conduirait à un mandat de président raccourci de fait à 3 ans ou 3ans 6 mois, ce qui est trop court. Le CA devra choisir le président quelques semaines après son installation, ce qui éliminera les candidats extérieurs.

Conclusion : Je ne crois pas qu’il soit sage qu’un CA aussi resserré procède à l’élection du président. La formule actuelle, via les trois conseils, ou d’autres formules plus souples renvoyées aux décisions internes des universités, seraient préférables. Pour les mêmes raisons, je ne crois pas que la coïncidence des mandats du CA et du président soit une bonne idée. Si l’on veut éviter la paralysie des universités suite à un désaccord entre CA et président, on pourrait proposer que ce dernier puisse dissoudre le CA, ce qui n’est certes guère dans la culture du milieu. Ou une formule plus équilibrée entre pouvoir de dissolution et pouvoir de révocation du président par la CA, sous des formes et des majorités à définir.



[2] [1] Le projet de loi prévoit que le président choisit les personnalités extérieures, ce qui impose, comme le prévoit d’ailleurs logiquement ce projet, que celles-ci ne peuvent élire le président.


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