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La guerre de sélection des masters est déclarée

Posted By JFM On 19 février 2016 @ 12:08 In Universités | Comments Disabled

Les masters peuvent-ils ou doivent-ils être sélectifs ? Cette question ouverte depuis quelque temps, vient de se poser de façon incontournable après un arrêt du Conseil d’Etat qui déclare cette sélection illégale sans décret complémentaire, aussi bien en M1 qu’en M2, alors qu’elle existe de fait ici ou là. La situation est assez illustrative du clair-obscur dans lequel se débattent les universités françaises.

Les arguments du Conseil d’Etat sont juridiquement imparables. Le dispositif législatif vient de la loi Savary de 1984 : non sélection en second cycle[1] [1] sauf pour les formations spécifiées dans un décret. Le décret prévu à l’article 612-6 du Code de l’Education est nécessaire et suffisant pour permettre la sélection pour « l’admission dans des formations de second cycle » qui peut tenir compte « des capacités d’accueil des établissement et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat ». Ceci vaut pour l’admission en master en général (c’est à dire à la fois en M1, mais aussi en M2 après réussite au M1). Ainsi rien ne s’oppose du point de vue législatif à ce que le décret prévu rende possible (pour une liste de formations) à la fois la sélection à l’entrée du master, et entre le M1 et le M2.

Si le fameux décret fixant cette liste de formations avec droit de sélection n’était pas publié, les universités seraient en grande difficulté, non seulement pour les diplômes liés à la recherche, mais aussi pour les diplômes professionnels (liés ou pas à des laboratoires). Le ministère n’a donc guère le choix et devra publier ce décret. Mais on peut être pessimiste sur sa portée après avoir entendu Mme Najat Vallaud-Belkacem déclarer à l’Assemblée Nationale : « Vous pouvez compter sur moi pour vous assurer que la liste des formations relevant du deuxième cycle pouvant faire l’objet d’une sélection sera très limitative ». Si c’est le cas, on sortirait peut-être de la clandestinité dans l’immédiat, mais ce serait un dramatique recul sur la conception du cursus de master et sur l’autonomie des universités. On peut donc s’étonner que la CPU ne soit pas plus remontée contre la position ministérielle. Certes une motion favorable à la sélection vient d’y être votée, mais sinon il est essentiellement question d’une négociation pour conserver une large liste de M2 sélectifs. Ceci ne règlerait donc rien sur le fond. La seule solution acceptable serait que tous les masters figurent dans le décret.

Finalement, il faudrait se féliciter de l’arrêt du Conseil d’Etat qui empêche que ce sujet de la sélection en master soit à nouveau escamoté. Mais il ne peut y avoir de « liste limitative ». Il ne s’agit pas d’habilitation de masters, mais de la distinction qui serait faite entre deux diplômes de même nature, l’un étant décrété sélectif et l’autre pas. Il dépend aujourd’hui des universitaires de ne pas se laisse enfermer dans une telle contradiction qui dénie à la fois le caractère national d’un diplôme et l’autonomie de l’institution qui le délivre. Si la question générale de la sélection à l’université peut être un objet de débat (cf de nombreux articles dans le présent blog), la libre sélection en master ne peut être découpée dès lors qu’on autorise son principe. Ce principe de sélection unifierait d’ailleurs les universités et les grandes écoles (qui peuvent sélectionner librement pour leurs diplômes de grade master). Il n’est pas exagéré de dire que c’est aujourd’hui pour les universités une bataille vitale.


[2] [1] Etant entendu que la loi LRU de 2007 a déplacé le second cycle au niveau M


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