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Dérives du “Nouveau Management Public” dans l’enseignement supérieur et la recherche
Posted By JFM On 16 juin 2008 @ 17:25 In Evaluation, Recherche, Universités | Comments Disabled
UNE DERIVE DE L’ETAT STRATEGE
Les principes du NMP sont déjà lisibles dans la « Loi organique relative aux lois de finances » (LOLF, 2006) qui régit désormais le budget de l’Etat. Les crédits du budget sont présentés par objectifs, chacun assorti d’indicateurs de performance. La formulation d’une politique par objectifs n’est en soi pas nouvelle ; on la retrouve dans toute démarche planificatrice. Ce qui est nouveau c’est que l’Etat, de planificateur est devenu stratège, et qu’il fixe des indicateurs quantifiés de résultats à atteindre. Pour l’enseignement supérieur et la recherche, les indicateurs de la LOLF sont ceux qu’on retrouve dans beaucoup de classements internationaux : nombre de publications ; indice de citations à deux ans ; nombre de brevets ; participation aux programmes cadre européens ; nombre de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants étrangers ; pourcentage de diplômés ; taux d’insertion de sortants…. Suivant Annie Vinokur [4] [4] « la LRU a pour vocation de donner aux établissements universitaires la capacité d’être de bons opérateurs de la LOLF en les rapprochant du modèle de l’université entrepreneuriale ». Celle-ci peut se définir comme « une entreprise non marchande ou à but non lucratif, recevant des financements publics et privés mais exerçant aussi des activités commerciales, et disposant de l’autonomie de gestion de ses actifs et de son personnel ; elle doit pouvoir développer des stratégies compétitives, créer des filiales, s’associer avec des entreprises privées… »[5] [5]. Les rapports de l’Etat avec les universités, qui étaient des relations d’autorité, deviennent des relations contractuelles dans lesquelles l’Etat fixe des obligations de résultats. Les outils du NMP sont utilisés en France, moins pour renforcer l’influence du secteur privé (comme certains le prétendent) que le pouvoir de l’Etat.
C’est ce type de contrôle qui a la faveur des politiques et des médias. Il donne lieu à des classements. Mais il faut pour cela que la production soit relativement stable et homogène. Or la production des chercheurs est fondamentalement évolutive et met en jeu des coopérations complexes. Les indicateurs chiffrés ne sont bons que dans les cas où l’on essaie de comparer la réalité avec un plan préétabli. Dans un univers où la motivation intrinsèque[18] [18] est essentielle, ils sont dangereux. Malheureusement ce sont les systèmes qui sont aujourd’hui le plus en faveur. Ils permettent de prendre des décisions sur une base simple et explicable au public.
Un contrôle sur le facteur de production (c’est-à-dire ici sur le chercheur lui-même).
Il repose sur le processus de sélection et de formation. Il s’agit de choisir des jeunes à la fois brillants, mais également capables d’autonomie. Ensuite il suffira de leur faire confiance : trop de contrôle entamerait leur motivation intrinsèque. Les jeunes sont intégrés dans de petits groupes où ils apprennent et se socialisent, et au sein desquels on leur garantit une grande autonomie. Dans les premières années de la carrière, les jeunes doivent rendre des comptes aux seniors sur leur maîtrise des standards professionnels. C’est ce type de contrôle qui est mis en œuvre dans le système du tenure track[19] [19].
Ce dernier type de contrôle est présenté dans [20] [20] comme une alternative aux indicateurs chiffrés de production scientifique. Il est d’autant plus important que d’après certaines études[21] [21], le seul facteur décisif de succès d’une université sur le long terme est la qualité des universitaires et des chercheurs (ainsi que le niveau et la qualification des étudiants). Les modes de financement sont moins importants. Ceci explique sans doute que des universités mal gouvernées puissent avoir de la bonne recherche…
La défiance associée aux indicateurs de performance est un sérieux problème dans toutes les organisations. Les systèmes de contrôle peuvent réduire l’enthousiasme des agents et leurs efforts. Il est prouvé que l’autonomie dans le travail est une valeur positive. Au-delà d’un certain niveau de contrôle, on envoie à l’agent le message qu’il n’est pas complètement fiable, et plus on le contrôlera, plus ses efforts diminueront, et une trop grande pression entraînera une détérioration de la performance.
Si l’on suit ce point de vue, sur quoi devrait porter le contrôle des institutions ? Dans [22] [22] les auteurs nous disent :
[24] [1] Annie Vinokur. La LRU : essai de mise en perspective. Revue de la régulation n°2 (janv. 2008).
[25] [2] [26] “La croisade contre la « modernisation » de l’enseignement supérieur » in JFM’s Blog.
[27] [3] « Le chercheur et l’obligation de rendre des comptes ». Margit Osterloh, Bruno S. Frey, Fabian Homberg. Traduction française dans Les Annales des Mines - Gérer et Comprendre n° 91 (mars 2008).
[28] [4] Annie Vinokur. La LRU : essai de mise en perspective. Revue de la régulation n°2 (janv. 2008).
[29] [5] Ibid.
[30] [6] [31] Synthèse pour l’enseignement supérieur et la recherche du troisième conseil des politiques publiques (11 juin 2008).
[33] [8] Synthèse pour l’enseignement supérieur et la recherche du troisième conseil des politiques publiques (11 juin 2008).
[34] [9] [35] « La bibliométrie dévoyée, contestée, mais valorisée » in JFM’s blog.
[36] [10] [37] « Que mesurent les indicateurs bibliométriques ? ». Commission d’évaluation de l’INRIA (septembre 2007). L’INRIA, peut-être moins « tétanisé » que le CNRS par les menaces de réforme, s’engage ici dans une réflexion indispensable.
[38] [11][39] « The politics of steering by numbers[40] [41] » [42] [43] Debatting performance bases funding in Europe. Nifu-Step (Rapport 2008-3).
[44] [12] « Le chercheur et l’obligation de rendre des comptes ». Margit Osterloh, Bruno S. Frey, Fabian Homberg. Traduction française dans Les Annales des Mines - Gérer et Comprendre n° 91 (mars 2008).
[45] [13] P. Weingart. « Impact of bibliometrics upon the Science system : Inadvertent consequences ? ». Scientometrics 62 (2005).
[46] [14] W. Nelson Espeland, M. Sauder. « Rankings and reactivity : how public measures recreate social worlds ». American Journal of Sociology113 (2007).
[47] [15] [48] « La fascination des palmarès internationaux d’universités » in JFM’s blog.
[49] [16] En Grande Bretagne, c’est l’un des principaux indicateurs retenus pour le nouveau Research Assessment Exercise (RAE).
[50] [17] « Le chercheur et l’obligation de rendre des comptes ». Margit Osterloh, Bruno S. Frey, Fabian Homberg. Traduction française dans Les Annales des Mines - Gérer et Comprendre n° 91 (mars 2008).
[51] [18] R. Benabou, J. Tirolle. “Intrinsic and extrinsic motivation”. Review of Economics Studies 70 (2003).
[52] [19] [53] « Tenure track peut-il se traduire en français ? » in JFM’s blog.
[54] [20] « Le chercheur et l’obligation de rendre des comptes » publié par Margit Osterloh, Bruno S. Frey, Fabian Homberg. Traduction française dans Les Annales des Mines - Gérer et Comprendre n° 91 (mars 2008).
[55] [21] I. Liefner. “Funding, resource allocation, and performance in higher education systems.” Higher Education, 46 (2003).
[56] [22] « Le chercheur et l’obligation de rendre des comptes » publié par Margit Osterloh, Bruno S. Frey, Fabian Homberg. Traduction française dans Les Annales des Mines - Gérer et Comprendre n° 91 (mars 2008).
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[26] “La croisade contre la « modernisation » de l’enseignement supérieur »: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=56
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[28] [4]: #_ftnref4
[29] [5]: #_ftnref5
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[31] Synthèse pour l’enseignement supérieur et la recherche du troisième conseil des politiques publiques (11 juin 2008).: http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/fileadmin/user_upload/2-10-2Enseignement_superieur_et_recherch
e.pdf
[32] [7]: #_ftnref7
[33] [8]: #_ftnref8
[34] [9]: #_ftnref9
[35] « La bibliométrie dévoyée, contestée, mais valorisée »: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=27
[36] [10]: #_ftnref10
[37] « Que mesurent les indicateurs bibliométriques ? ».: http://www.inria.fr/inria/organigramme/documents/ce_indicateurs.pdf
[38] [11]: #_ftnref11
[39] « The politics of steering by numbers: http://english.nifustep.no/norsk/publikasjoner/the_politics_of_steering_by_numbers
[40] : http://english.nifustep.no/norsk/publikasjoner/the_politics_of_steering_by_numbers
[41] » : http://english.nifustep.no/norsk/publikasjoner/the_politics_of_steering_by_numbers
[42] : http://english.nifustep.no/norsk/publikasjoner/the_politics_of_steering_by_numbers
[43] Debatting performance bases funding in Europe. Nifu-Step (Rapport 2008-3).: http://english.nifustep.no/norsk/publikasjoner/the_politics_of_steering_by_numbers
[44] [12]: #_ftnref12
[45] [13]: #_ftnref13
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[48] « La fascination des palmarès internationaux d’universités »: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=40
[49] [16]: #_ftnref16
[50] [17]: #_ftnref17
[51] [18]: #_ftnref18
[52] [19]: #_ftnref19
[53] « Tenure track peut-il se traduire en français ? »: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=25
[54] [20]: #_ftnref20
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