- JFM’s blog - http://jfmela.free.fr/jfmblog -
Un rêve américain
Posted By JFM On 23 février 2009 @ 12:20 In Evaluation, Autonomie, Universités | Comments Disabled
Dans le mouvement actuel de révolte universitaire, une foule de textes et de proclamations déferle sur nous au travers de la presse et des blogs. Pour la plupart il s’agit de prises de position peu argumentées – ce n’est pas leur objet – ou alors de communiqués du type « agence Tass »[1] [1]. Mais de nombreuses contributions présentent des analyses et expriment des points de vue qui participent d’un vrai débat. Elles méritent une attention particulière, que l’on soit d’accord ou pas avec les positions défendues. C’est l’un des mérites de la crise actuelle d’avoir amorcé ce débat qui avait été jusque là étouffé par l’approche dirigiste choisie pour faire avancer les réformes. Nous nous intéresserons aujourd’hui à la contribution de quatre universitaires français travaillant aux Etats-Unis ou au Canada[2] [2] dont un résumé est paru dans Le Monde du 6 février 2009.
Saluons l’honnêteté de ces collègues qui n’hésitent pas à donner en exemples les universités d’outre-atlantique dans lesquelles ils travaillent - ce qui pourrait les faire « lyncher » dans certaines assemblées générales de chez nous… Remarquons seulement qu’ils travaillent, bien sûr, dans de grandes « universités de recherche » et pas dans des community colleges. La situation qu’ils décrivent doit donc être relativisée. Mais il ne sont pas les seuls universitaires français travaillant ou ayant travaillé dans des universités nord-américaines à exprimer – au moins en privé – leur satisfaction des modes d’organisation et des conditions de travail qu’ils ont connus là-bas, quelles que soient par ailleurs les critiques sociales qu’ils puissent faire.
Que nous disent ces collègues expatriés ? De façon générale leur texte entend montrer que « le « modèle libéral » à la française prétend s’inspirer des Etats-Unis, mais ne fait qu’accentuer des travers typiquement français ; il prétend faire confiance au « marché » alors qu’il ne fait que renforcer la hiérarchie ». La référence au « marché » - le terme est employé une vingtaine de fois dans le texte, de façon non péjorative - montre en tout cas la liberté intellectuelle de ces collègues vis-à-vis du « politiquement correct » à la française pour lequel le « marché » est forcément diabolique[3] [3]. Ils entendent simplement par là qu’il y a pour les professeurs ou candidats professeurs une offre et une demande à l’intérieur du système universitaire - qu’on peut appeler un « marché » - et ils mettent l’accent sur les modes de régulation de ce « marché ».
RECRUTEMENTS ET PROMOTIONS CONTROLES PAR LES PAIRS
Les auteurs notent très justement que les universités françaises sont considérées comme « une éducation de masse au rabais » et suggèrent que la défense des conditions de travail des universitaires apparaît donc aux yeux du pouvoir politique comme « un privilège indu réclamé par des personnes qui, ne formant plus les élites, ne le mériteraient plus ». On peut en effet se faire cette remarque lorsqu’on voit la différence de traitement qui existe avec les professeurs de classes préparatoires dont nos collègues soulignent à juste titre qu’il n’est jamais question dans la réforme actuelle. « Le gouvernement se garde bien de toucher à l’articulation bien française entre lycées d’élite, classes préparatoires et grandes écoles. (..) Il entend au contraire faire survivre le modèle essoufflé des classes préparatoires et des grandes écoles, où jamais l’endogamie sociale et l’exclusion n’ont été aussi fortes, en créant des classes préparatoires moins prestigieuses dans les universités ». Nos collègues font la comparaison avec les universités où ils enseignent. Ils vont même jusqu’à s’enthousiasmer : « si le système collégial est encore protégé dans les grandes universités nord-américaines, (..) c’est principalement parce que nous y formons une élite, non pas dans le sens sociologique où les étudiants viendraient tous des couches supérieures de la société, mais dans le sens où nos institutions les destinent à prendre les rênes du pays ». Là, on aurait envie de leur dire qu’ils exagèrent. Comme si cette élite n’était pas aussi sociale ; comme s’il n’y avait pas de hiérarchie sociale entre les grandes universités de recherche avec des droits d’inscription souvent élevés et les autres qui concentrent les minorités…
[13] [1] Pour reprendre un qualificatif utilisé par Thomas Piketty dans son article [14] « Autonomie des universités : l’imposture » (Libération du 17 février 2009).
[15] [2] M. Foucault, E. Lépinard, V. Lepinay et G. Mallard. [16] « Pour des universités plus justes » in « La Vie des Idées ».
[17] [3] Paradoxalement, leur article dans Le Monde a reçu un bon accueil dans les chroniques radicales car il dénonçait la LRU… Ainsi même des « franco-américains » dénonçaient la LRU ! Alors qu’une bonne partie de leur argumentation va à l’encontre du « politiquement correct ».
[18] [4] Il y a aussi des évaluations indirectes, par exemple par la NSF, lorsque qu’un professeur sollicite un grant.
[19] [5] Voir [20] « La gouvernance partagée, ça peut marcher » in JFM’s blog.
[21] [6] [22] « Les débats autour de la nouvelle loi sur les universités » in JFM’s blog.
[23] [7] A titre d’exemple, en 2007, Larry Summers, puissant président de Harvard, a dû démissionner pour avoir perdu la confiance des professeurs.
[24] [8] O. Godechot et A. Louvet : [25] « Le localisme dans le monde académique : un essai d’évaluation ». La Vie des idées. Leur approche est contestée par [26] Christine Musselin
[27] [9] [28] “La gouvernance partagée, ça peut marcher!” in JFM’s blog.
[29] [10] Mathias Fink, professeur au Collège de France : « L’autonomie est la solution pour sauver les universités ». Le Monde du 16.02.09.
[30] [11] Sur l’ensemble des universités, les professeurs avec tenure ne seraient plus que 30% selon le New-York Times - mais nettement plus dans les grandes universités. Cf [31] «Tenure track peut-il se traduire en français ? » in JFM’s blog.
[32] [12] Les auteurs du texte sont aux antipodes des opposants à la LRU lorsqu’ils expliquent, par exemple : « En Amérique du Nord, la possibilité d’obtenir une offre d’une université concurrente est un facteur de progression de carrière aussi important que la titularisation »
Article printed from JFM’s blog: http://jfmela.free.fr/jfmblog
URL to article: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=118
URLs in this post:
[1] [1]: #_ftn1
[2] [2]: #_ftn2
[3] [3]: #_ftn3
[4] [4]: #_ftn4
[5] [5]: #_ftn5
[6] [6]: #_ftn6
[7] [7]: #_ftn7
[8] [8]: #_ftn8
[9] [9]: #_ftn9
[10] [10]: #_ftn10
[11] [11]: #_ftn11
[12] [12]: #_ftn12
[13] [1]: #_ftnref1
[14] « Autonomie des universités : l’imposture » (Libération du 17 février 2009).: http://www.liberation.fr/economie/0101319949-autonomie-des-universites-l-imposture
[15] [2]: #_ftnref2
[16] « Pour des universités plus justes »: http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20090217_mallard.pdf
[17] [3]: #_ftnref3
[18] [4]: #_ftnref4
[19] [5]: #_ftnref5
[20] « La gouvernance partagée, ça peut marcher »: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=24
[21] [6]: #_ftnref6
[22] « Les débats autour de la nouvelle loi sur les universités »: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=88
[23] [7]: #_ftnref7
[24] [8]: #_ftnref8
[25] « Le localisme dans le monde académique : un essai d’évaluation »: http://www.laviedesidees.fr/Le-localisme-dans-le-monde.html
[26] Christine Musselin: http://jfmela.free.fr/jfmblog/wp-content/localisme-texte-godechot-commentaires-musselin.pdf
[27] [9]: #_ftnref9
[28] “La gouvernance partagée, ça peut marcher!”: http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=24
[29] [10]: #_ftnref10
[30] [11]: #_ftnref11
[31] «Tenure track peut-il se traduire en français ? » : http://jfmela.free.fr/jfmblog/?p=25
[32] [12]: #_ftnref12
Click here to print.
Copyright © 2007 JFM's blog. All rights reserved.