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Orientations et désorientations de la stratégie de recherche et d’innovation


LA STRATEGIE NATIONALE DE RECHERCHE ET D’INNOVATION

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a donné un certain relief au lancement d’une opération (présentée en conseil des ministres le 3.09.08) qui devrait conduire, d’ici mars 2009, à la définition d’une “stratégie nationale de recherche et d’innovation”. La mise en place de cette stratégie a été recommandée par le « Conseil de modernisation des politiques publiques » qui pointe « la nécessité pour la France d’identifier des priorités de recherche au niveau national en fonction des besoins de la société, des défis scientifiques à relever, et des marchés porteurs pour les entreprises »[1].

Lancé en juillet 2007, le « Conseil de modernisation des politiques publiques » est un véritable état-major des réformes. Vingt-six équipes d’audits, composées d’auditeurs issus des inspections générales et du secteur privé, soit plus de 300 personnes, ont été constituées pour passer en revue l’ensemble des missions de l’Etat. A l’issue de cette analyse, des scénarios de réforme sont élaborés pour chaque secteur et soumis pour validation au « Conseil de modernisation des politiques publiques » qui réunit l’ensemble du gouvernement sous la présidence du président de la République. La lecture des fiches relatives à chaque ministère est très instructive car on y explicite l’idéologie sous-jacente. 

La fiche qui nous intéresse s’intitule : « Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à l’œuvre pour mieux positionner la France dans l’économie de la connaissance ». Cette politique se veut une déclinaison de la fameuse « stratégie de Lisbonne ». L’excellence universitaire et académique est envisagée comme un atout majeur des pays développés dans la compétition économique mondiale. Le renforcement des moyens (élément essentiel de la stratégie de Lisbonne, dont la concrétisation se fait attendre) reste subordonné à la modernisation des structures et des modes de fonctionnement.

S’agissant de l’opération évoquée au début, elle consistera, tous les quatre ans, à demander à des comités d’experts de faire des propositions pour établir les priorités du gouvernement en matière de recherche et d’innovation. Il s’agit notamment d’afficher les « défis » auxquels on veut répondre. Dans le document “stratégie nationale de recherche et d’innovation” on classe les défis en 4 familles : les défis sociétaux, les défis de la connaissance, les défis liés à la maîtrise des technologies nouvelles, les défis organisationnels. Cette nomenclature à la Prévert ne manque pas de laisser perplexe, tant les différentes catégories sont imbriquées. On rajoute que le nombre de défis à relever sera volontairement limité à 20 ! Dans ces conditions, on devrait pouvoir en dresser la liste sans qu’il soit besoin de réunir le ban et l’arrière-ban des experts. D’ailleurs, à quoi sert le Haut Conseil de la Science et de la Technologie ?  De fait il s’agit davantage de l’affirmation d’ambitions politiques que de stratégie de recherche.

Sur la base de ces « défis et enjeux identifiés », on mettra en place des « groupes thématiques », sans oublier - époque oblige - un « espace collaboratif sur internet »[2]. On peut supposer que les groupes thématiques seront chargés de décliner les 20 défis en objectifs de recherche, voire en programmes finalisés. C’est un exercice délicat qui comprend des aspects de prospective. Et s’agissant des innovations du futur, l’histoire est là pour nous apprendre la vanité des exercices de prospective depuis le fameux « rapport de 1937 », commandé par Roosevelt à deux ou trois cents chercheurs pour tenter de sortir de la dépression. Celui-ci a fait depuis lors l’objet de nombreuses analyses[3]. Il en ressort que les auteurs du rapport ne s’étaient pas trompés dans le domaine des innovations qui avaient déjà démarré, mais n’avaient pas vu les innovations de rupture : énergie nucléaire, laser, ordinateur, moteur à réaction, radar, antibiotiques, ni bien sûr le code génétique… Sans doute la période de temps sur laquelle porte l’opération pilotée par Mme Pécresse est-elle bien plus courte que celle de Roosevelt, mais les risques sont de même nature.

La ministre insiste sur le fait que beaucoup de pays, notamment européens, se sont lancés dans des opérations comparables. En fait les situations sont très différentes d’un pays à l’autre. Nul doute qu’une réflexion sur la stratégie de recherche et d’innovation s’impose partout. Toute la question est de savoir comment et à quel niveau elle est conduite, sur quoi elle porte et sur quoi elle débouche[4]. Paradoxalement[5] la France a une approche très dirigiste et technocratique en la matière, avec l’idée que « quelle que soit la qualité des réflexions issues de la communauté scientifique, celles-ci restent trop morcelées, parfois trop éloignées des grands enjeux socio-économiques et surtout insuffisamment coordonnées »[6]. On peut douter cependant de la méthode qui consiste à mettre autour d’une table quelques experts pendant un temps limité. Et l’on peut craindre que le résultat attendu pour mars 2009 ne soit finalement assez formel.[7]

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