Pourtant c’est bien d’une révolution qu’aurait besoin l’université française, un changement aussi profond qu’il y a quarante ans. Mais, à l’époque, les « colloques de Caen » avaient préparé le terrain et fait émerger des idées qui s’étaient ensuite incarnées dans des réformes, à la faveur du séisme de 1968. Aujourd’hui, l’interrogation du « que faire ? » reste entière. Pourtant de vraies questions affleurent ici ou là[1]. Mais les Assises glissent dessus, tant ces questions remettent de choses en cause. Dans les universités se sont tenus des ateliers, des tables rondes, de petits colloques, les uns assez convenus sur les thèmes officiels des Assises, les autres, plus originaux, sur des sujets particuliers.[2] Ces débats, même s’ils ne rassemblent pas les foules, ne sont pas inutiles pour relancer la réflexion de fond, mais on est loin de « la volonté d’assurer une traduction législative aux propositions des Assises dès le début 2013 ». Nous verrons comment le Comité de pilotage s’en sortira pour préparer cette traduction, mais, en attendant, il est instructif de passer en revue quelques propositions que les Assises ne feront pas. Tant pis si c’est un peu provocateur !
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Dans un récent article j’affirmais que « la France consacre 9.000 € par étudiant (15.000 € pour un élève de grande école), ce qui nous place globalement au dessous de la moyenne de l’OCDE, loin des pays leaders (30.000 € aux Etats-Unis) ». L’un de mes lecteurs questionne cette affirmation et se demande si je ne suis pas en train de propager « a urban legend » ? Il est vrai que les chiffres divergent notablement suivant les sources que l’on consulte. C’est une bonne raison pour s’interroger sur leur validité et surtout sur leur signification.
S’agissant de comparaisons internationales, il est naturel de se référer aux études de l’OCDE. Ainsi dans sa récente publication « Regards sur l’Education 2012 », la dépense annuelle par étudiant, tous services confondus (activités de recherche non comprises) est estimée à 10.042 $ en France et à 26.313 $ aux Etats-Unis. Si l’on inclut la recherche des établissements, on aboutit à 14.642 $ pour la France, contre 29.201 $ pour les Etats-Unis. Les chiffres de dépenses de recherche par étudiant qui figurent dans les tableaux peuvent surprendre par leur faiblesse relative pour ce qui est des Etats-Unis [1] ; une raison en est que les nombreux établissements américains d’enseignement supérieur court n’ont pas d’activités de recherche. On reviendra plus loin sur les biais de ces estimations en moyenne.
Une question cruciale est celle de la méthodologie et de la définition de l’objet d’études. Dans les rapports de l’OCDE, la dépense par étudiant est obtenue en divisant la dépense globale par le nombre d’étudiants en équivalent temps plein. Dans cette dépense globale on inclut les dépenses publiques ou privées des établissements d’enseignement, tous services confondus (services éducatifs, services auxiliaires) et aussi, le plus souvent, la recherche. Les aides publiques destinées à financer les frais de subsistance des étudiants en dehors des établissements, sont exclues.
Le précédent article traitait de l’avenir de la LRU. Mais est-il encore pertinent de poser par ce biais la question du devenir des universités françaises, après la publication des projets d’IDEX sélectionnés au terme des deux vagues d’appels à projets ? Après la première vague j’avais publié un article intitulé « PRES et IDEX : Farces et attrapes » où je mettais en évidence, sur des exemples parisiens, le caractère arbitraire, parfois même absurde, de ce qui apparaissait un peu comme un « loto ». A propos de la LRU, j’ai souligné combien les investissements d’avenir, et tout particulièrement les IDEX, étaient en contradiction avec le principe d’autonomie des universités. Par ailleurs il y a déjà eu ici des « débats autour de la politique d’excellence ».
Mais c’est un autre aspect que je voudrais relever aujourd’hui : par le biais du cahier des charges de ce concours des IDEX et des projets retenus, c’est la nature même des universités françaises, de leur organisation et de leur gouvernement, qui serait profondément modifiée, en dehors de toute disposition législative et de tout débat démocratique interne. Si ce processus allait à son terme, on pourrait parler de « coup de force ». Mais il est plus probable que ces « universités du 3ème type » que de petits comités ont travaillé à dessiner en toute opacité, ne verront pas le jour, en tout cas pas sous la forme décrite dans les projets les plus technocratiques. Je me contenterai de prendre comme exemples le projet UNITI (Université de Toulouse) porté par le PRES Université de Toulouse, et le projet USPC (Université Sorbonne Paris Cité) porté par le PRES Sorbonne Paris Cité.
PROLOGUE
Alors que se dessine la possibilité d’un changement politique en 2012, on peut rester perplexe sur la façon dont ce changement pourrait se traduire dans l’enseignement supérieur et la recherche. En effet, là-dessus, le programme officiel du PS est assez général dans ses bonnes intentions et plutôt flou sur les questions les plus sensibles. Vincent Peillon, chargé de ce secteur dans l’équipe de François Hollande, interviewé dans Le Monde du 22 novembre, est peu bavard sur le sujet.
Qu’il s’agisse de l’équilibre du pilotage de la recherche entre les organismes, les agences et les universités, de l’avenir de la LRU, de la gouvernance des universités, du financement de celles-ci, des aides étudiantes, des statuts des personnels…, on reste sur sa faim. Or tout le monde à gauche ne s’accorde pas là dessus - c’est le moins qu’on puisse dire. Pour certains il s’agirait seulement de gommer les réformes de ces dernières années pour revenir à l’ordre ancien, implicitement paré de toutes les vertus. Pour les autres, quelle que soit la sévérité des critiques faites à ces réformes ambigües (où les options libérales coexistent avec des pratiques « néo-colbertistes »), il s’agirait plutôt de mettre à profit la remise en cause de facto du système, pour promouvoir des solutions nouvelles qui n’hésitent pas à bousculer quelques « tabous ». Les débats risquent d’être vifs. La proposition d’organiser plus tard des « assises de l’enseignement supérieur et de la recherche » revient à botter en touche. N’attendons pas pour parler des « sujets qui fâchent ».
LE FINANCEMENT PAR LES BENEFICIAIRES
Parmi les divers « tabous », je voudrais commencer par rediscuter ici celui du financement des universités et des écoles par les bénéficiaires de la formation supérieure, qui est sans doute le sujet le plus brûlant. D’autant plus brûlant que l’on entre dans une période où le recours aux finances publiques va devenir problématique. Or la France ne dépense que 1,3% de son PIB pour l’enseignement supérieur, en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (1,5%) et loin derrière les Etats-Unis (3%). La dépense par étudiant d’université est de 9.000 euros contre plus de 15.000 pour un élève de grande école[1], et 36.000 euros en moyenne pour un étudiant américain. Le taux d’encadrement est d’un enseignant pour 20 étudiants, soit l’un des plus faibles des pays de l’OCDE. Où va-t-on prendre l’argent ? Surtout si l’on veut passer en dix ans de 25% à 50% de diplômés au niveau licence dans une classe d’âge, en luttant contre l’échec en premier cycle et en augmentant substantiellement les aides aux étudiants[2]. Et ceci alors que la priorité du gouvernement serait, par ailleurs, de recréer 60.000 emplois dans l’enseignement secondaire ! Pour rester dans l’enseignement supérieur et la recherche, l’engagement de financer les « investissements d’avenir », qui ne sera pas remis en cause, va quasi-automatiquement réduire d’autant les crédits ordinaires accordés aux universités qui ne figureront pas parmi les happy few.
Aucune transformation de l’enseignement supérieur n’est possible sans une injection massive de moyens[3]. Or il est illusoire de penser qu’on va pouvoir tout fonder sur le financement public et l’impôt. Il faudra demander une contribution aux bénéficiaires. Je renvoie à l’article « Universités : qui doit payer ? » pour une analyse de cette question délicate et complexe. Je veux seulement la replacer dans l’actualité politique française.
Vous trouverez ici le podcast d’une émission de Radio-Campus-Paris à laquelle j’ai été invité pour répondre à des questions posées par les étudiants animateurs de l’émission, sur le financement de l’enseignement supérieur. On y retrouvera, dans un style plus alerte et un peu polémique, la matière de quelques uns de mes articles.