Archive for the 'Recherche' Category

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Un manifeste européen pour l’évaluation de la recherche

C’est à la suite de la 19ème conférence internationale sur les indicateurs en science et technologie, qui s’est tenue à Leiden (Pays-Bas) en septembre 2014, qu’a été publié un « manifeste pour la mesure de la recherche »  C’est la première fois que des experts appartenant aux observatoires scientométriques européens publient un tel document qui se veut une plateforme pour l’évaluation de la recherche, au terme d’une réflexion engagée depuis plusieurs années, notamment en France par l’OST. Ce manifeste formalise des critiques sur la bibliométrie qui a pris une telle importance depuis quelques années dans la conduite et le financement de la recherche et propose d’en tenir compte dans le travail d’évaluation. Ces critiques ne sont pas nouvelles[1], mais elles s’accompagnent ici de propositions pour les méthodes d’évaluation et le travail des experts.

Le constat qui est fait est que « les évaluations ne sont plus fondées sur des réflexions mais sur des indicateurs » et les rédacteurs ne craignent pas d’affirmer : « Nous avons observé avec une inquiétude grandissante le mauvais usage des indicateurs dans l’évaluation de la performance scientifique ». Le manifeste propose « un condensé des bonnes pratiques » et formule dix principes qui paraissent à la fois raisonnables et ambitieux. L’application pratique de ces principes reste le plus souvent à préciser. Cet article est un commentaire critique des propositions de ce manifeste, qui souligne seulement quelques questions auxquelles il faudrait répondre pour rendre ces propositions moins théoriques.

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MSH Paris Nord - Péripéties d’une aventure

L’inauguration du bâtiment de la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord (MSHPN) aura lieu le 14 avril prochain au terme d’une aventure de plus de 15 ans, ce qui n’exclut pas de nouveaux rebondissements et quelques menaces, comme on le verra.

Le plan « Université du troisième millénaire » (U3M) élaboré à la fin du siècle dernier, dessinait un développement universitaire ambitieux des SHS au nord de Paris, dont le projet « Campus Condorcet » est aujourd’hui la dernière version. Ce plan prévoyait notamment une MSH à vocation « Arts, Sciences et Technologie » sur le pôle de développement de La Plaine Saint-Denis. Ce projet restait alors assez vague, tant en ce qui concernait son contenu scientifique que son implantation et son financement. Le contrat de plan 2000-2006 mentionnait une « MSH Plaine Saint-Denis » pour un montant très modeste de 30 MF et une « plateforme technologique arts sciences et technologie » pour 15 MF auquel devait s’ajouter 35 MF au titre du « développement économique ». Il n’était pas précisé que les deux projets seraient couplés et il fut un temps question d’implanter la plateforme à la Cité des Sciences de La Villette.

En 1999 je fus chargé par le préfet de Région et les recteurs de Paris et Créteil d’une « mission de concertation et de coordination des différents acteurs impliqués dans la réalisation du contrat de plan nord francilien et du démarrage de la MSH Nord-Francilienne ». Je pris contact avec un certain nombre de chercheurs et d’équipes des universités Paris 8 et Paris 13 pour distinguer ceux qui seraient le plus susceptibles de contribuer au démarrage de ce projet dont le champ scientifique se trouva quelque peu élargi. Sur la base de ces contacts exploratoires, la « Mission Scientifique Universitaire » (MSU) du ministère de la recherche que dirigeait alors Maurice Garden, très engagé dans l’essor des MSH, lançât le projet sur deux axes : l’un sur les « Industries culturelles et les arts[1] », l’autre sur « Santé et société », ces deux axes associant principalement (mais pas seulement) Paris 8, Paris 13 et le CNRS.  L’objectif de la plateforme technologique étant de mettre en réseau et en synergie des équipements, des moyens pédagogiques et des ressources scientifiques dans le domaine des arts numériques et de leurs applications aux industries culturelles à destination des entreprises concernées, elle fut couplée à la MSH.

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Fluctuations de l’évaluation

On trouvera dans le présent blog un article intitulé « Evaluer quoi et pourquoi ? » écrit en 2008 et qui faisait le point sur l’une des dispositions phares de la loi de programme pour la recherche de 2006 : la création d’une « Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » (AERES) à laquelle était attribuée une mission quasiment universelle d’évaluation (unités de recherche, formations et diplômes, universités et organismes de recherche). Aujourd’hui, à l’appel de l’Académie des Sciences, on supprime l’AERES d’un trait de plume, on reprend tout et on recommence avec un « Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » (HCERES). Ce n’est certainement pas la fin de l’histoire et s’il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur cette réforme, il est important d’en situer le contexte et les enjeux.

L’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche, telle qu’on l’envisage aujourd’hui, est une idée relativement neuve en France. Si l’on remonte aux origines (l’université impériale…), on ne parlait pas alors d’évaluation mais de « contrôle » par des inspecteurs généraux, des recteurs…, et cette tradition étatique s’est perpétuée très longtemps, disons jusqu’aux années 1980. L’évaluation des enseignants du supérieur était limitée aux procédures de recrutement et de promotion. Le CNRS avait mis en place des évaluations individuelles et collectives de la recherche dans ses laboratoires depuis les années 1950, mais il n’existait rien de tel dans les universités. Il ne fut pas question d’évaluation lors du colloque de Caen de 1966, pas plus que dans la loi d’orientation d’Edgar Faure qui crée la nouvelle université française d’après 1968. Ce n’est que dans les années 1980 que ce thème de l’évaluation émerge sous l’influence de personnalités comme Laurent Schwartz, avec la création marquante en 1985 du Comité national d’évaluation (CNE) qui subsistera jusqu’à son intégration dans l’AERES. L’essor du thème de l’évaluation va de pair avec celui de l’autonomie et de la concurrence, comme en témoigne le fameux rapport du Collège de France, rédigé par Pierre Bourdieu en 1985. Mais, paradoxalement, la création de l’AERES témoigne de la permanence du centralisme. S’agissant d’évaluation, on se trouve pris chez nous, en effet, dans des contradictions dont il est difficile de sortir.

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Les enjeux de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur et la recherche

Ce texte reprend un exposé que j’ai fait lors d’un séminaire de formation du Conseil régional des Pays de Loire. C’est un texte de synthèse « pédagogique », qui n’exclut  pas des points de vue critiques..

 

Fallait-il une nouvelle loi ? Mais surtout fallait-il une loi aussi détaillée ? N’est-ce pas contradictoire avec l’autonomie des établissements que la loi entend réaffirmer ?

La tradition centralisatrice française fait que la loi entend tout encadrer jusqu’à un niveau de détails qu’on peut juger excessif. Par ailleurs, le texte de loi est rempli d’affirmations de principes[1] dont la traduction concrète ne découlera pas des dispositions législatives. Il convient donc de lire la loi avec un peu de hauteur et de se focaliser sur les dispositions les plus importantes du point de vue de leurs conséquences directes sur les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que sur les collectivités territoriales concernées.

Il y a notamment trois grandes réformes structurelles qui constituent l’ossature de la loi. Elles concernent :

  •  La gouvernance des universités
  • Les regroupements d’établissements et l’organisation de l’enseignement supérieur au niveau des territoires
  • L’évaluation de la recherche et l’accréditation des formations

Ceci ne résume pas toute la loi. Il y a également des dispositions, dont nous parlerons plus loin, qui touchent à l’organisation des enseignements et à la pédagogie, comme la priorité d’accès des bacs technos en IUT et des bacs pros en STS, la voie ouverte à l’instauration de parcours diversifiés en licence, la place de l’anglais dans l’enseignement…

Par ailleurs la loi est truffée de formules qui dessinent une université orientée vers le monde économique, tant du point de vue des formations que de la recherche et de l’innovation. Mais il s’agit plus de déclarations de principe que de mesures concrètes.

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La France au top ? Rien n’est moins sûr

On a beaucoup critiqué les classements internationaux d’universités, et à raison pour leur méthodologie très discutable[1] – à tort aussi parfois lorsque les critiques étaient surtout motivées par le désir de justifier les résultats médiocres des universités et écoles françaises. Le propos de ce court article est différent : prenant les classements pour ce qu’ils sont, il s’agit pour nous d’analyser un nouveau classement paru récemment, le classement « Alma Mater Index Global Executives »  du Times Higher Education (THE) et d’en tirer quelques remarques comparatives sur le recrutement des élites en France et dans les autres grandes puissances économiques, et tout particulièrement sur la place de la recherche dans les institutions y formant les élites[2].

Ce classement (ci-dessous dénommé « THE Alma ») répond à la question très simple suivante : Dans quelles universités les dirigeants des plus grosses entreprises mondiales ont-ils fait leurs études ? Les auteurs de cette étude ont donc pris en considération les 500 plus grosses entreprises mondiales, telles qu’elles sont répertoriées par le magazine Fortune dans son classement « Fortune Global » et ont répertorié la ou les universités où leurs PDG avaient fait leurs études (très souvent, les dirigeants ont deux diplômes, une licence (Bachelor) puis un master (par exemple un MBA). Par rapport aux autres classements, celui-ci a l’avantage d’une méthodologie transparente. Pour notre analyse sur la place de la recherche, nous avons utilisé, faute de mieux, les classements (contestables) existants.

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Les limites d’une loi qui ne règle rien

L’examen parlementaire du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche va s’engager dans un contexte assez déconcertant. Il est assez remarquable de voir, d’un côté, des syndicalistes qui demandent l’abandon de la loi[1], des universitaires radicaux pour lesquels la loi actuelle (LRU) est un mal absolu, et qui accusent le pouvoir de la maintenir - voire de l’aggraver[2] - et, de l’autre, un groupe de ci-devant recteurs qui voient dans la nouvelle loi la trahison de la LRU (à laquelle ils sont globalement favorables) et « la capacité de l’enseignement supérieur à s’autodétruire » [3]. Les syndicats d’enseignants et de chercheurs accusent la ministre de passer à la trappe le rapport Le Déaut dont l’auteur estime, lui : « l’avant-projet de loi reprend largement les conclusions de mon rapport ». Tandis que, parallèlement, le président de la CPU n’hésite pas à affirmer : « Cette loi porte une grande ambition, elle va profondément changer le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Et l’UNEF, de son côté, considère qu’elle a obtenu « des engagements importants de la ministre pour remettre les étudiants au cœur de la réforme ».

Les uns et les autres ne doivent pas regarder le projet de loi avec les mêmes lunettes. L’ennui c’est qu’il faille des lunettes pour porter un jugement.

La situation dans laquelle nous sommes englués aujourd’hui mérite analyse et réflexion, plutôt qu’anathème. D’où vient cette incapacité à avancer dans l’élaboration d’une réforme qui soit autre chose qu’un ensemble de mesures techniques, (les unes formelles, les autres déstabilisantes), sans grands objectifs qui emportent l’adhésion ? Une réforme réussie suppose des forces qui la portent, qui aient une vision claire et raisonnée des transformations souhaitables. L’idée de trouver ces forces par le biais des Assises, a échoué, disons le. Elle n’aurait eu de sens que s’il y avait eu, auparavant, une large prise de conscience des enjeux et des transformations à opérer. On a plutôt eu l’expression d’intérêts hétéroclites, face à une technocratie d’Etat peu portée aux audaces. Il a manqué un travail préalable, comme cela avait été le cas avec les colloques de Caen qui ont engendré, en leur temps, une nouvelle forme d’université. Car une réforme n’est pas la simple résultante d’une loi.

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Quelques propositions que les Assises ne feront pas

Les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ont tenu leurs sessions à l’échelon des universités, des régions, en attendant la session nationale et le verdict que prononcera le Comité de pilotage. On pouvait craindre des conflits entre ceux qui veulent abroger toutes les réformes, et ceux qui s’en accommodent finalement assez bien. Il n’en est rien pour l’instant : la protestation s’exprime à l’extérieur et l’ambiance générale est plutôt à la résignation. Certes, on attend des réformes pour corriger les errements d’un passé proche. Mais « la révolution attendra ».

Pourtant c’est bien d’une révolution qu’aurait besoin l’université française, un changement aussi profond qu’il y a quarante ans. Mais, à l’époque, les « colloques de Caen » avaient préparé le terrain et fait émerger des idées qui s’étaient ensuite incarnées dans des réformes, à la faveur du séisme de 1968. Aujourd’hui, l’interrogation du « que faire ? » reste entière. Pourtant de vraies questions affleurent ici ou là[1]. Mais les Assises glissent dessus, tant ces questions remettent de choses en cause. Dans les universités se sont tenus des ateliers, des tables rondes, de petits colloques, les uns assez convenus sur les thèmes officiels des Assises, les autres, plus originaux, sur des sujets particuliers.[2] Ces débats, même s’ils ne rassemblent pas les foules, ne sont pas inutiles pour relancer la réflexion de fond, mais on est loin de « la volonté d’assurer une traduction législative aux propositions des Assises dès le début 2013 ». Nous verrons comment le Comité de pilotage s’en sortira pour préparer cette traduction, mais, en attendant, il est instructif de passer en revue quelques propositions que les Assises ne feront pas. Tant pis si c’est un peu provocateur !

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Les surprises du classement Q&S pour les mathématiques

Entre 2004 et 2009, le classement des universités de Quacquarelli Symonds (Q&S), société privée basée à Londres qui conseille les étudiants “à haut potentiel” pour leurs études et leurs carrières, était produit pour le compte du Times Higher Education de Londres, et était publié comme classement du Times (classement THE). Mais depuis 2010, les classements de Q&S et THE sont distincts. Le classement Q&S 2010, qui vient de sortir, donne des résultats surprenants, comme on le verra ci-dessous dans le cas des mathématiques. Dans cette note, je discute quelques questions que cela pose.

C’est le Times Higher Education qui a décidé, en 2009 de changer de méthodologie (et de partenaire) pour son classement. Sa rédaction estimait que la méthode précédente, basée en grande partie (40% du score total) sur la réputation des institutions était biaisée, notamment par la taille trop réduite du panel consulté. A l’issue d’une vaste consultation, elle a réactualisé ses critères, et choisi un nouveau partenaire, Thomson Reuters, la société qui produit, entre autres, le Science Citation Index[1]. Les nouveaux critères incluent encore la réputation, et Thomson Reuters fait appel à Ipsos pour cette partie de l’étude. Parmi les autres aspects pris en compte figurent la bibliométrie, l’internationalisation du corps enseignant…

La réputation, qui compte pour 50% dans le classement de Q&S, est établie en interrogeant un panel d’universitaires, chercheurs, mais aussi de responsables des ressources humaines d’entreprises du  monde entier : 15 000 universitaire et 5 000 DRH. On demande à chaque expert de dire à quel grand champ disciplinaire il appartient ; il y en a cinq : sciences de la nature, bio-médecine, technologie, sciences sociales, humanités et arts. Puis chaque expert classe jusqu’à trente institutions qui lui paraissent être les meilleures dans son domaine. En ce qui concerne les DRH, on leur demande dans quelles universités ils recrutent en priorité. L’autre moitié de l’évaluation se base sur des indicateurs objectifs : nombre de professeurs/chercheurs étrangers, nombre d’étudiants étrangers, et évidemment bibliométrie (établie en partenariat avec l’éditeur scientifique Elsevier).

L’enquête Q&S a l’avantage, si l’on peut dire, d’inclure un classement particulier pour les mathématiques. Dans la mesure où les mathématiques ne sont pas identifiées comme un domaine disciplinaire, cela peut paraître problématique (qui sont les experts appelés à donner leur opinion sur les départements de mathématiques ?), mais ils ont bien publié un classement. A contrario, THE ne publie pas de classement en mathématiques autre que celui qui est basé entièrement sur la bibliométrie ; nous nous y arrêterons un peu plus loin.

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Des jésuites au CNU ?

Le texte suivant émane de la Commission Permanente du Conseil National des Universités (CP-CNU). Après les petits scandales d’auto-promotion qui ont marqué certaines sections du CNU, comme la 19ème section de Sociologie, ce texte est un petit bijou de jésuitisme qui se passe de commentaires. Ou plutôt, avant tout commentaire ultérieur, je vous laisse le plaisir de déguster ce texte qui mérite d’être largement diffusé…

On lira deux commentaires en post-scriptum.

 

La fausse question dite de « l’auto-promotion »
La CP-CNU dénonce fermement le soupçon de partialité que fait peser sur les pratiques du CNU en matière de promotion nationale le discours qui, quel qu’en soit sa forme et son auteur, évoque les « auto-promotions CNU » -ou encore la « part nationale » des promotions-, c’est-à-dire, pour parler clair, les promotions des membres du CNU -PR ou MC- par la

section à laquelle ils appartiennent. Une telle démarche visant à établir que tous les candidats à un avancement de grade ne seraient pas également traités dans la mesure où interviendrait le critère de l’appartenance au CNU est manifestement fallacieuse.Quelques évidences doivent ici être rappelées.

1. La notion d’ « auto-promotion » est sans pertinence. En effet, le terme « auto » renvoie à soi-même ou aux siens. Il reste à identifier quel est le cercle des siens. Or, en la matière, de multiples hypothèses sont envisageables et pourront être tirées de statistiques qui, à défaut d’être vérifiables, se prêtent à toutes les interprétations et déductions. En d’autres termes, les sections du CNU pourraient aussi bien être suspectées de pratiques différenciées selon d’autres types d’appartenance des candidats : laboratoire de recherche, lieu d’exercice, école de pensée, spécialisation disciplinaire, affiliation politique ou syndicale …. La notion d’ « auto-promotion » est par elle-même insaisissable. Il s’agit ainsi d’un procès fondé sur des données statistiques dont on ne peut rigoureusement extraire aucune donnée probante mais auxquelles, en revanche, l’on peut faire dire à peu près ce que l’on veut… Il est illusoire -si l’on en avait la tentation- de vouloir établir des statistiques et présenter des pourcentages à partir d’une population (nombre de candidats appartenant au CNU pour telle promotion dans telle section) beaucoup trop faible. Un exemple suffit à montrer l’absurdité du procédé. Si une section CNU a un seul de ses membres candidat, par exemple, a la promotion PR 1° classe, on ne saurait bien évidemment « constater » un taux d’ « auto-promotion » de 100 %., quel que soit par ailleurs le nombre total de promotions au titre du contingent national, le nombre de promouvables, le nombre de candidats ayant déposé un dossier ! Autant dire que si la population française comporte 16% de gauchers et que la section X doit examiner cinq candidatures à la PR 1°classe dont celle d’un gaucher qu’elle promeut, le taux de promotion des gauchers par la section X est de 100% ! De telles statistiques établies seraient vides de sens.
2. La question dite de l’ « auto-promotion » -si l’on admettait un instant qu’elle puisse être pertinente- ne saurait être limitée, sauf à procéder à une analyse partielle et partiale, aux seules promotions nationales effectuées par le CNU. C’est oublier que 50% des promotions relèvent du pouvoir de décision des établissements. Il conviendrait alors de s’intéresser également au phénomène des « auto-promotions » locales et de se pencher sur les promotions des membres de ses divers conseils effectuées par chaque Université, sans parler de celle de son Président. L’autonomie des établissements ne saurait en effet justifier que l’on soit indifférent à la manière dont sont traitées les candidatures au niveau local, en vertu du principe d’égalité des enseignants-chercheurs. On se bornera ici à souligner que, compte tenu de la répartition géographique et disciplinaire qui caractérise la composition même de chaque section du CNU, le degré de « proximité » d’un membre du CNU avec les autres membres de sa section est sans conteste moins important que celui d’un membre d’un conseil d’administration ou d’un conseil scientifique avec l’équipe présidentielle de l’Université.
3. Les promotions, qu’elles soient nationales ou locales, ont lieu au mérite. Laisser penser que les promotions des membres du CNU pourraient obéir à d’autres motifs conduit nécessairement à remettre en cause le principe démocratique qui est au fondement même de la gestion du corps des enseignants-chercheurs. Les membres siégeant au CNU sont, pour les 2/3 d’entre eux, élus. On peut raisonnablement penser que leur compétence a pesé dans leur élection comme elle pèse au moment de l’examen de leur dossier de candidature à une promotion. On voudra également faire crédit à Madame la Ministre et à ses prédécesseurs de croire qu’elle ne choisit pas les membres nommés du CNU sur des critères autres que ceux de leur compétence. Il suffit, d’ailleurs, de consulter les listes des membres du CNU promus par les sections lors des dernières campagnes d’avancement pour constater que, sauf cas marginaux, leur promotion ne souffre pas de contestation au sein du corps auquel ils appartiennent.
4. Aucune règle du statut de la fonction publique ne saurait justifier que les membres du CNU ne puissent présenter -comme tout autre membre de la fonction publique- leur candidature à une promotion et s’interdisent pendant la durée de leur mandat (4 ans) de bénéficier d’une telle promotion, alors même qu’ils remplissent une lourde charge. Une telle interdiction s’avérerait discriminatoire. Il appartient à chaque section du CNU de définir librement sa politique en la matière et de décider si elle considère, selon ses traditions et usages, que ses membres peuvent ou non être promus. La pratique des sections est ici diverse et c’est là le propre de la liberté universitaire. On ajoutera que la nouvelle procédure relative aux promotions ne distingue plus la voie « nationale » et la voie « locale » et suppose que toute candidature soit examinée par le CNU.
5. Le CNU est désormais doté de règles déontologiques strictes, à l’élaboration desquelles la CP-CNU a largement contribué, qui encadre son mode de fonctionnement : Publicité des critères de promotion : les critères de promotion doivent être énoncés dans le rapport annuel d’activités de la section et sont affichés sur le site de la CP-CNU (art. 40-I et 56-I du décret du 6 juin 1984 modifié relatif au statut des enseignants-chercheurs ; art.1 du décret du 16 janvier 1992 modifié relatif au CNU). La pratique de nombreuses sections, antérieurement à la modification du décret de 1984, était, au demeurant, de rendre publique la liste des membres promus. Exigence déontologique : interdiction pour le membre du CNU candidat à une promotion de siéger durant toute la session de sa section consacrée à l’examen des candidatures à ladite promotion (art. 15 al.1 de l’arrêté du 19 mars 2010 fixant les modalités de fonctionnement du CNU). Cette règle était déjà appliquée par de nombreuses sections avant l’adoption de cet arrêté. Transparence : obligation pour les candidats au CNU (comme pour les membres nommés) de publier une notice biographique (art.4 du décret relatif au CNU).La collégialité des décisions rendues dans ce cadre constitue, au demeurant, le meilleur gaged’une décision conforme aux principes défendus par le CNU.
 6. Il faut y insister : la procédure des promotions nationales par le CNU fournit des garanties de nature déontologique que n’offre en aucune manière la procédure des promotions locales. Et si l’on ne saurait évidemment prétendre que les choix du CNU sont indiscutables, ils ne le sont ni plus ni moins que ceux de tout autre organe collégial. Ajoutons seulement que la publicité de ses décisions et le rapport public qui les éclaire permettent à chacun d’en vérifier le bien fondé. Les analyses qu’ils suscitent sont le corollaire de cette transparence. Il est souhaitable que cette dernière ne favorise pas l’instruction de faux procès.

7. Statuant en matière d’avancement de grade, la section compétente du CNU est un jury de concours qui se prononce sur les mérites des candidats. Le bien fondé de ses décisions, qui échappe au contrôle du juge, ne saurait être discuté et remis en cause par quiconque.

Conclusion

  • Le CNU rend des comptes sur ses procédures et ses décisions (affichage des critères ; publication de la liste des promus ; rapport annuel d’activité …). Il n’a pas à se lancer dans la démonstration de sa probité. C’est à ceux qui mettent en doute celle-ci et, par là même, mettent en cause le principe démocratique de l’élection du CNU, qu’il revient de démontrer précisément le caractère manifestement infondé d’une promotion et d’établir qu’un ou plusieurs candidats non retenus avaient un dossier d’une qualité supérieure à celle du candidat promu.
  • La CP-CNU demande solennellement l’abandon de l’usage du terme « autopromotion» dans toutes les publications internes et publiques du MESR et que ce dernier renonce à toute tentative visant à évaluer statistiquement une prétendue « part nationale » dans les promotions du CNU.

 

Commentaires

 

1- Pierre Arnoux, professeur à l’université Aix-Marseille II, me signale que la position de la section Mathématiques du CNU se démarque nettement de celle formulée dans le texte précédent. On peut lire en effet sur la page CNU section 25 :

Sur le fonctionnement du CNU 25 de 2008 à 2011 : lors de la campagne de qualication, les 4, 5 et 6 février 2008, les membres du CNU 25 ont abordé les questions de la promotion et des CRCT de ses membres durant les 4 années à venir du mandat de cette section. A été adoptée la position suivante :

Les membres du CNU 25 ne pourront bénéficier d’une promotion ni d’un Congé de Recherche et de Conversion Thématique au niveau du CNU durant leur appartenance à la commission. Ils peuvent néanmoins être candidat à une promotion ou un CRCT au niveau de leur établissement d’origine. Il est demandé aux membres du conseil, lors d’une éventuelle candidature à la promotion ou à une CRCT au niveau local, de préciser qu’ils ne candidatent pas au titre du CNU en raison de la position achée ci-dessus.

JFM : Il faut noter cependant que la dernière phrase est désormais caduque car la dernière mouture de la réforme ne fait plus de différence entre niveau local et national : on ne peut plus demander une promo locale sans la demander au CNU. Si donc la section 25 s’en tient à la position qu’elle avait adoptée en 2008, les membres du CNU25 ne pourront plus candidater pendant 4 ans.

2- Colette Guillopé, professeur à l’université Paris Est Créteil, apporte les précisions suivantes :

  • Les décrets statut et CNU du 23 avril 2009 sont effectivement appliqués depuis les promotions 2010.
  • Les collègues matheux de la section 25, et sans doute aussi de la section 26, ont adopté le fonctionnement suivant pour les membres du CNU:
  1. Inscrire sur le dossier de promotion qu’on ne souhaite pas être examiné par le CNU pour une promotion CNU.
  2. Le CNU ne renvoie aucune indication à l’établissement sur le dossier examiné, et cela est vrai pour tous les candidats. (Je ne me souviens plus de la formulation exacte, mais cela est très explicite. Le CNU refuse purement et simplement toute forme de classement en A, B ou C, ou toute autre forme. Les candidats sont promus par le CNU ou ils ne le sont pas, voilà tout.)
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Ah excellent !

Dans le cadre du « grand emprunt » et des « investissements d’avenir », 52 projets d’équipements d’excellence (« Equipex ») sont les lauréats de la première vague de concours, et se verront attribuer 340 millions d’euros. Peu de gens iront feuilleter les dossiers retenus. Il y en a pourtant qui valent le détour, comme celui-ci :

PROJET MATRICE

Il est doté de 2.700.000 euros, et on ne résiste pas à l’envie de citer la description du projet et de ses « apports à la science et au citoyen » :

« Plateforme multi-factorielle, multi-échelle et multi-disciplinaire pour la mémoire individuelle et la mémoire sociale, basée sur la modélisation mathématique du corpus des témoignages écrits, oraux et audio-visuels de deux tragédies de l’histoire contemporaine : la Seconde Guerre Mondiale et les attentats du 11 septembre 2001. »

Pour ce qui est de l’équipement :

« 200 capteurs « inspot » seront installés dans des lieux comme le Mémorial de la Seconde Guerre Mondiale à Caen pour analyser expérimentalement la distinction entre l’attraction passive provoquée par les images et l’attraction active provoquée par les textes. »

Pour ce qu’on en espère :

« La plateforme permettra de mesurer l’impact (cognitif ou émotionnel) sur le grand public des divers modes de présentation de l’Histoire. Elle donnera aussi aux psychanalystes les moyens de mieux comprendre les processus neurologiques responsables de l’impact émotionnel. »

Pourquoi ne pas essayer, en effet ? Je n’aurai pas la prétention de porter de jugement sur le sujet de recherche proprement dit. Mais si c’est là l’un des 52 équipements stratégiques de la recherche française, on se dit que, vraiment, il y a des économies à faire ! Et quand on pense qu’il a fallu réunir un jury international (s’appuyant sur 1853 experts) pour donner sa bénédiction urbi et orbi à des projets comme celui-ci, on est saisi de doutes.  Dans la description du projet, on peut déplorer l’utilisation un peu abusive du terme «modélisation mathématique» qui pourrait laisser croire qu’il s’agit d’un projet porté par les mathématiciens. Il n’en est rien !  D’ailleurs, et à titre de comparaison, le projet d’une plateforme documentaire nationale pour les mathématiques a été retoqué. Mais c’était d’un banal !

 



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