Archive for the 'Société' Category

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Quelques réflexions en contexte politique

L’élection présidentielle française donne lieu à des échanges et des rebondissements tous azimuts. Mais, dans les programmes des candidats, on trouve assez peu de propositions significatives pour les universités. Pourtant il y aurait beaucoup à dire d’un point de vue démocratique. Tous les observateurs s’accordent en effet pour dire que la France est championne des inégalités dans l’enseignement supérieur.

Lors d’un colloque intitulé « Quel enseignement supérieur pour la France en 2020 », Sybille Reichert, chancelière de l’université Friedich-Alexander d’Erlangen-Nürnberg, déclarait : « En France, il y a une séparation entre la formation de l’élite et ce qu’on appelle « mass éducation »  qui est très stricte. On voit peu de passerelles entre le système général et la formation des élites »[1]. Parallèlement elle souligne que « le recrutement des universitaires et chercheurs est beaucoup trop interne du point de vue international ». 

Au dernier classement PISA, la France est arrivée 26ème sur 70 pays, largement devancée par exemple par l’Allemagne et le Royaume Uni. Mais surtout, près de 40% des élèves issus de milieux défavorisés sont en difficulté, écrivent les statisticiens de l’OCDE. Ce classement dessine une France qui est efficace pour une majorité d’élèves, mais laisse une forte minorité sur le carreau. De plus, au fil des classements, cette minorité augmente.

Le rapport du Comité « France Stratégie » sur le coût économique des discriminations souligne l’enjeu économique de la question, sachant que les gains associés à la formation ne se manifestent que dans la durée. Ainsi des travaux américains montrent que l’amélioration de l’accès des femmes et des noirs aux postes essentiellement occupés par des hommes blancs, serait à l’origine de 15% à 20% de la croissance des Etats-Unis depuis les années soixante. Quelles que soient les objections que l’on peut faire à ce travail, il souligne le fait qu’il n’y a pas de contradiction entre équité et réformes économiques porteuses de prospérité. Selon ce rapport, la réduction des écarts de taux d’emploi et d’accès aux postes élevés entre population de référence et populations discriminées permettrait un gain de près de 7% du PIB.

En France, la moitié des bacheliers provient aujourd’hui de familles dans lesquelles aucun des parents n’était titulaire de ce diplôme. Pour ces jeunes bacheliers « de première génération », l’accès au baccalauréat reste très lié aux différences de situations familiales et de niveau d’acquis à l’entrée en sixième. Ils ne représentent que 15% des entrants en classe préparatoire aux grandes écoles, alors que 62% des entrants en sixième en 1995 n’avaient aucun parent bachelier.[2]

Alors que neuf bacheliers « de père en fils » sur dix s’inscrivent dans l’enseignement supérieur, ce n’est le cas que de trois bacheliers « de première génération » sur quatre. Les bacheliers « de première génération » ont, dans leur majorité, accédé au baccalauréat par la voie technologique ou professionnelle. Tandis que les bacheliers « de père en fils » poursuivent en plus grand nombre dans une école recrutant après le baccalauréat ou une CPGE (19% s’inscrivent dans cette filière, contre 6% des bacheliers « de première génération »[3]

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A propos de l’éjection de Paris 13 de l’université Sorbonne-Paris-Cité (USPC)

Le contexte

L’université française offre un spectacle de désolation structurelle. Après avoir vécu sur le mythe de l’université « une et indivisible », elle prétend entrer dans l’âge de l’autonomie à l’image de beaucoup de pays développés, mais elle n’arrive pas à sortir d’un « joyeux bordel » bureaucratique, comme l’illustrent les 3 articles précédents. On prétend tenir un discours universel à destination d’un monde très différencié et hétérogène. Ainsi, par exemple, c’est un paradoxe de défendre mordicus le principe de la non-sélection alors que la moitié des étudiants prennent une voie sélective dès le départ (prépas, BTS, IUT, écoles de commerce, écoles d’ingénieurs post-bac, bi-licences, IEP, écoles d’arts, de journalisme, d’architecture, de paramédical,…). Il faut sans doute se féliciter qu’on s’achemine vers une loi prévoyant une sélection pour tous les masters. Mais si le ministère le fait, c’est contraint et forcé par une décision judiciaire qui interdit le maintien de la situation actuelle (sélection entre le M1 et le M2), et non point dans le cadre d’une politique audacieuse.

Il y avait, par ailleurs, le souci de restructurer l’organisation des universités, dont nous avons déjà souvent parlé ici. En dehors des situations où la géographie régionale poussait naturellement à des regroupements, on est souvent aujourd’hui dans des situations compliquées. On parle de fusion comme s’il s’agissait d’une modalité entre autres, alors que ceci remet profondément en question les principes de gouvernance des universités, tels que prévus par la loi.  Ainsi le refus d’accorder de façon définitive à USPC l’Idex dont elle était porteur, se fonde sur l’exigence d’une fusion, ce qui est tout de même d’une autre nature qu’un Idex, sauf à jouer sur les mots.

Aujourd’hui, pour espérer récupérer l’argent perdu de l’Idex, certains souhaitent modifier la composition de la Communauté USPC. On voit donc une exigence financière d’importance tout de même limitée rejaillir sur la question de fond de la composition du regroupement, ce qui n’avait jamais été évoqué lors de sa constitution. On est donc en droit de se demander quelle est la logique profonde des regroupements.

L’éjection programmée de Paris 13

Pour sortir des abstractions, on peut se pencher sur le cas concret évoqué plus haut. Comme l’on sait, USPC est principalement constitué de 4 universités : Université Sorbonne Nouvelle (Paris 3), Université Paris Descartes (Paris 5), Université Paris Diderot (Paris 7), Université Paris-Nord (Paris 13). Aujourd’hui, dans la perspective hautement problématique que USPC récupère son Idex perdu, le président de Paris 5, Frédéric Dardel, explique son refus d’une fusion avec Paris13[1]. Résumons ses arguments :

- « La fusion est une opération compliquée, compte tenu du peu de temps que nous avons pour repasser devant le jury Idex ».

- « Il y a avec Paris 13 une différence de culture et d’identité qui se traduit dans les stratégies d’établissements». Paris 5 a une grande faculté de médecine avec de nombreux centres de recherche, tandis que « Paris 13 défend une intégration dans le territoire et un accompagnement de la population de Seine Saint-Denis, et développe peu de recherche ».

Commentaire : Paris 5 est avant tout une grande faculté de médecine et biologie, mais dans d’autres domaines disciplinaires ses pôles de recherche ne sont pas exceptionnels et certains sont même nettement surclassés par ceux de Paris 13, comme en mathématiques[2], en communication, en économie…

- « L’intégration de Paris 13 dans le projet de fusion augmente les recouvrements disciplinaires avec les 3 autres universités »

- « Une fusion à 4 universités augmenterait la complexité économique du projet »

Commentaire : Sur ces deux derniers points, n’était-ce pas évident depuis le début ? Ce n’est pas là une raison convaincante pour se débarrasser de Paris 13.

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Un syndicalisme de type nouveau dans les universités américaines

La relance du syndicalisme enseignant dans les universités américaines, notamment les plus éminentes, vient sanctionner une évolution où le statut des professeurs a dérivé depuis 50 ans de la « tenure » et du « tenure track »[1] jusqu’à des statuts très variés qu’on peut qualifier de « contingent faculty positions »[2]. Suivant l’institution, on parlera d’adjuncts, de teaching assistants, de non-tenure track faculty, de part-timers, de lecturers, d’instructors[3]. Ce qu’ils ont en commun : il s’agit de positions sans sécurité de l’emploi et sans liberté académique. C’est le cas de la majorité des emplois universitaires américains aujourd’hui. Mais quelque chose est en train de bouger.

La proportion des professeurs qui sont recrutés chaque année dans des positions « tenured » diminue à un rythme que l’American Association of University Professors (AAUP) trouve alarmant [4]. En 2011 on comptait 71% de toutes les positions enseignantes en dehors du « tenure track ». Dans les « community colleges » 70% des positions étaient à temps partiel et 45% des temps complets étaient en dehors du « tenure track »[5].

Dans beaucoup d’universités le syndicalisme des professeurs ne date pas d’hier, mais ce n’est pas une réalité universelle. Aujourd’hui, d’après l’AAUP, 21% seulement de toutes les universités ont des syndicats d’enseignants (35% des universités publiques). Il faut dire que le taux général de syndicalisation américain n’a cessé de s’éroder depuis la seconde guerre mondiale. Il était alors de 36% tandis qu’il n’est plus aujourd’hui que de 12% (seulement 9% dans le secteur privé). Il est inférieur à celui de bien des pays européens, si l’on excepte le cas particulier de la France[6].

Dans les universités, les syndicats négocient des conventions collectives (collective bargainings) dans des conditions qui varient beaucoup suivant les institutions publiques ou privées. Les négociations dans les universités publiques ne posent pas de problème de fond. Mais dans les universités privées, une décision de la Cour Suprême datant de 1980 a rendu plus difficile le « collective bargaining ». La portée de cette décision a été contestée et le « National Labor Relation Board » (NLRB)[7] a élargi son point de vue là-dessus[8].

Dans ce contexte, et alors que des états américains remettent en cause certains acquis sociaux, il est d’autant plus remarquable de voir un important syndicat, le « Service Employees International Union » (SEIU), syndicat phare des travailleurs du tertiaire[9] s’impliquer dans le syndicalisme universitaire. Le SEIU connaît une forte croissance depuis 10 ans, au point d’être devenu un acteur social et politique majeur. Fort de plus de 2 millions d’adhérents, il s’est massivement mobilisé pour l’élection de Barack Obama et a été l’un des acteurs-clés du passage de la réforme de l’assurance santé en 2010. Syndicat de style nouveau ses campagnes ne sont pas limitées à un site de travail mais ont une dimension politique globale. Ses méthodes actives auprès des personnels sont dénoncées par certains, mais ceci reste dans la tradition du syndicalisme à l’américaine où travailleurs et employeurs peuvent s’affronter durement[10]. Le SEIU s’est lancé depuis 3 ans à l’assaut des universités américaines, comme porte-drapeau des catégories d’enseignants les moins protégées.

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Vive la liberté pédagogique !

Auteurs : Jean-Pierre Boudine, Antoine Bodin (auteurs de « Le Krach Educatif, 32 propositions pour tenter de l’éviter », L’Harmattan, 2011), Christian Duhamel.

 Qu’une réforme du Collège, ou de quoi que ce soit dans l’Ecole, subisse dès son adoption, le feu croisé de toutes les tendances politiques, syndicales et pédagogiques, c’est dans notre pays un rite obligé. Comme les autres à peu de choses près, celle que porte Najat Vallaud Belkacem est dite trop élitiste, trop démagogique, trop à gauche, trop à droite, catastrophique et insignifiante.

Certains reproches sont d’assez mauvaise foi : la réforme sacrifierait l’enseignement du grec, du latin, de l’allemand. Très peu d’élèves, en réalité, étudient le grec ancien, guère plus le latin, et parmi eux une infime minorité en tire un réel profit culturel. Les jeunes qui se destinent à des études profondes de lettres classiques étudieront le vieux français à l’Université. Il n’y aurait rien de très scandaleux à ce que, de même, l’étude du grec et du latin soit pour l’essentiel renvoyée à l’Université. Ce que prévoit la réforme, c’est à dire l’introduction d’une option consacrée aux langues et cultures de l’antiquité accessible à tous les collégiens semble au moins aussi utile. Cela permettrait d’une part à une proportion loin d’être négligeable de la population d’avoir acquis une connaissance de l’importance des civilisations grecque et latine dans le développement de la culture, et d’autre part aux plus motivés des élèves, quelle que soit leur origine sociale, de poursuivre ou reprendre ultérieurement l’étude du grec ancien et/ou du latin.  La proportion d’hellénistes  et de latinistes dans la population française n’en serait a priori pas affectée, pas plus que celle des futurs philosophes aptes à bien connaître la Grèce antique.  On peut même penser que plus nombreux seront celles et ceux en  ayant acquis une meilleure connaissance. Finalement motiver un élève avant qu’il entreprenne un apprentissage loin d’être aisé, est-ce un crime ? 

Concernant l’enseignement de l’Allemand (qui est dite la « Langue de Goethe », et non la « Langue de Madame Merkel », allez savoir pourquoi), on pourrait dire la même chose : les rares élèves qui étudient l’Allemand jusqu’à être capables de le parler, avec cette réforme … le pourront encore.

Quoiqu’il en soit, la langue internationale, celle qui est la plus utilisée pour le tourisme, dans les professions scientifiques et pour tout ce qui concerne la circulation de l’information, c’est l’anglais. D’autres langues sont parlées par beaucoup de monde : l’espagnol, l’arabe, le mandarin… On sait, et les enquêtes internationales le confirment que les jeunes français sont parmi les jeunes du monde qui pratiquent le plus malaisément cette langue internationale, l’anglais. On peut considérer, même si on peut le regretter, que, les choses étant ce qu’elles sont, la France perd beaucoup de positions dans les négociations commerciales comme dans les grands programmes de coopérations multilatérales faute de spécialistes français possédant suffisamment bien la langue anglaise, fut-elle au niveau du « globish ». N’est-ce pas un sujet de préoccupation plus réel ?

Un autre type de critique qui est adressé à la réforme concerne les fameux 20% du temps scolaire dont la conception est laissée à l’équipe pédagogique de chaque établissement. Il s’agit en principe d’enseignements et d’activités interdisciplinaires, donc pouvant faire intervenir, dans un même projet, des enseignements scientifiques, littéraires et technologiques.

Que disent les critiques ? D’une part, ils relèvent avec inquiétude le flou de cette définition. D’autres ou les mêmes déprécient le concept d’enseignement pluridisciplinaire autour d’un projet : ce serait de la bouillie pour les chats. Enfin, ils y voient une source d’inégalités : certains projets seront meilleurs que d’autres, et par suite, certains élèves seront favorisés.

Ces objections sont incontestablement fondées, d’autant que, peut-être, certains établissements sauront nouer des partenariats tandis que d’autres y répugneront, si bien qu’une inégalité de moyens viendra renforcer les écarts de qualité.

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Pisa : la mobilisation des mathématiciens

Avertissement : Martin Andler est président d’Animath et la deuxième partie de cet article est parue dans Le Monde daté du 13 décembre 2013, dans un dossier intitulé  « L’Ecole française est-elle vraiment à la traîne ».

A-t-on déjà tout dit sur les leçons de l’étude Pisa[1] ? Les analyses ont porté, à raison, sur la manière dont notre système scolaire laissait plus de 20% des élèves sur le côté, sur son caractère très socialement inégalitaire, et sur la dégradation continue des résultats de la France depuis 2003. Mais a-t-on suffisamment prêté attention à trois aspects qui ne sont pas moins essentiels ?

I. Le constat

Rappelons que Pisa classe, dans chaque domaine étudié (mathématiques, sciences, maîtrise de la langue) les élèves en 7 niveaux, allant du niveau <1 (les moins bons) au niveau 6 (les meilleurs). La distribution entre ces niveaux est bien plus instructive que la seule moyenne.

1° Les mathématiques n’échappent pas au poids du déterminisme social, et c’est particulièrement marque en France : contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, l’origine sociale y est aussi déterminante que pour la maîtrise de la langue. Lorsque l’on compare les performances en mathématiques des 25% des élèves les plus favorisés, et celle des 25% des élèves les moins favorisés, l’écart pour la France est le plus marqué de tous les participants au cycle PISA 2012.

Globalement, les garçons sont légèrement meilleurs que les filles en mathématiques, et la différence entre les deux sexes est comparable en France à ce qu’elle est dans les pays de l’OCDE. On ne constate d’ailleurs aucune détérioration dans les dernières années. Mais la différence moyenne cache des disparités importantes : si les filles sont aussi nombreuses que les garçons parmi les très faibles (niveau ≤1), elles sont sensiblement moins nombreuses que ceux-ci parmi les forts (niveaux 5 et 6), avec 11% de filles et 15% de garçons, et à peine plus de la moitié au niveau 6 : 2,2% contre 4,1%.

3° Dernier point, qui n’est guère souligné : nous disposons d’un vivier insuffisant de jeunes préparés pour les études scientifiques. Dans l’enquête 2012 en mathématiques, nous avons 9,8% d’élèves au niveau 5 et 3,1% au niveau 6, ce qui nous place très loin de pays comparables comme l’Allemagne (respectivement 12,8% et 4,7%) ou la Belgique (13,4% et 6,1%), sans parler des pays d’Asie. En 2003, nous en étions respectivement à 11,6% et 3,5%, soit une sensible régression depuis lors. Et nos faibles résultats en mathématiques ne sont pas compensés par une qualité supérieure en sciences : il n’y a que 8,1% de jeunes français aux niveaux 5 et 6 en sciences, là aussi en dessous de la moyenne des pays comparables.

Ces jeunes aux niveaux 5 et 6 sont ceux qui sortent du collège bien préparés pour des études scientifiques. Or ils ne représentent qu’environ deux tiers des effectifs de la série S, qui doit donc inclure des élèves qui arrivent en première scientifique avec une grande fragilité de leurs acquis.

Pour ce qui est des vocations scientifiques, les jeux sont donc déjà faits à la fin du collège :

  • il n’y a pas assez d’élèves qui sont prêts pour suivre un cursus à dominante scientifique ;
  • parmi ceux qui peuvent s’engager dans un tel cursus il n’y a pas assez de filles ;
  • les jeunes des milieux défavorisés, en particulier ceux qui sont issus de l’immigration, en sont très largement exclus.

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Révolution structurelle dans la république universitaire

On apprend que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a signé un accord avec les étudiants et l’intersyndicale du pôle universitaire guyanais (mettant fin à cinq mois de blocage), qui prévoit que leur faculté de 2000 étudiants, jusqu’ici partie intégrante de l’université des Antilles-Guyane (12.000 étudiants), prenne son indépendance et devienne une université de plein exercice[1]. Quiconque a vu de près le centre universitaire de Guyane ne peut qu’avoir des doutes sur la rationalité de cette décision et sur sa cohérence avec la politique nationale des regroupements découlant de  la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur. Remarquons que, dans le même temps, la Bretagne et les Pays de Loire envisagent de se rassembler dans une communauté interrégionale d’universités et d’établissements qui compterait plus de 200.000 étudiants ! Dans les deux cas, la rationalité est avant tout politique. En Guyane il s’agit de se débattre avec le passé colonial[2]. Pour la Bretagne et les Pays de Loire, il s’agit de maximiser leurs chances de décrocher un Idex que chacun des deux PRES convoitait et qu’ils ont raté le coup précédent.

C’est l’occasion de s’interroger sur les regroupements d’établissements et l’organisation de l’enseignement supérieur au niveau des territoires, qui constituent, sans aucun doute, l’élément le plus neuf de la nouvelle loi[3]. On se propose de regrouper dans une « communauté d’universités et établissements » qui est un EPCSCP (en fait une super-université) tous les établissements d’un même territoire dépendant du MESR (à l’exception notable de l’Ile de France) et, facultativement, les autres établissements d’enseignement supérieur. Cette coordination donne lieu à un seul contrat associant les collectivités territoriales, sous l’égide d’un établissement leader, comportant, d’une part, un volet commun correspondant au projet partagé et aux compétences partagées ou transférées et, d’autre part, des volets spécifiques à chacun des établissements regroupés (volets qui ne sont pas soumis à délibération du conseil d’administration de la communauté).

Si cette réforme se concrétise et si ces communautés se constituent effectivement en super-universités, elles marginaliseront les universités existantes (ce qui crée pas mal d’inquiétudes ici ou là). Du même coup les dispositions législatives relatives à la gouvernance des universités actuelles, qui constituent l’autre point significatif de la loi, passeront un peu au second plan, car les décisions essentielles remonteront au niveau des communautés (dont les conseils d’administration pourront très bien avoir une minorité d’élus directs[4]).

Pourquoi la nouvelle loi donne-t-elle autant d’importance aux « communautés » ? Ce n’est pas une réforme qui vient de la base, même si l’on doit reconnaître que depuis vingt ans les établissements se sont engagés sous des formes diverses dans des rapprochements, et qu’il y a même quelques projets de fusion qui ne datent pas d’hier. Mais pourquoi enfermer ces rapprochements dans un corset législatif, vouloir les systématiser et les normaliser ?

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Sad song

On ne peut qu’être rempli de tristesse lorsqu’on voit notre « cher et vieux pays » balayé par une nouvelle vague de xénophobie. Certes, ce n’est pas la première fois dans son histoire que l’immigration est vilipendée, mais c’est la première fois depuis longtemps que certains, à gauche, font chorus. Et les médias en rajoutent avec leurs sondages sollicités.

Sans doute ne faut-il pas dramatiser, mais chaque jour qui passe amène une nouvelle surenchère : réforme du droit d’asile, abolition du « droit du sol »… On peut comprendre qu’un citoyen brisé par la crise économique puisse voir dans l’immigré de fraiche date un ennemi de son emploi. On peut comprendre qu’un président d’université puisse être excédé par l’occupation de son campus par les gens du voyage. Mais que des politiques exploitent le ressentiment des déclassés et contribuent, même passivement, à laisser prospérer un sentiment de méfiance et d’hostilité à l’encontre des « minorités visibles », est une ignominie qu’il faut combattre. Et dans ce combat, les universitaires se doivent d’être en première ligne. Car si l’internationalisme politique est mort avec le marxisme, les universités sont les têtes de pont d’un internationalisme bien vivant de la pensée, de la culture, de la science…

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Les enjeux de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur et la recherche

Ce texte reprend un exposé que j’ai fait lors d’un séminaire de formation du Conseil régional des Pays de Loire. C’est un texte de synthèse « pédagogique », qui n’exclut  pas des points de vue critiques..

 

Fallait-il une nouvelle loi ? Mais surtout fallait-il une loi aussi détaillée ? N’est-ce pas contradictoire avec l’autonomie des établissements que la loi entend réaffirmer ?

La tradition centralisatrice française fait que la loi entend tout encadrer jusqu’à un niveau de détails qu’on peut juger excessif. Par ailleurs, le texte de loi est rempli d’affirmations de principes[1] dont la traduction concrète ne découlera pas des dispositions législatives. Il convient donc de lire la loi avec un peu de hauteur et de se focaliser sur les dispositions les plus importantes du point de vue de leurs conséquences directes sur les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que sur les collectivités territoriales concernées.

Il y a notamment trois grandes réformes structurelles qui constituent l’ossature de la loi. Elles concernent :

  •  La gouvernance des universités
  • Les regroupements d’établissements et l’organisation de l’enseignement supérieur au niveau des territoires
  • L’évaluation de la recherche et l’accréditation des formations

Ceci ne résume pas toute la loi. Il y a également des dispositions, dont nous parlerons plus loin, qui touchent à l’organisation des enseignements et à la pédagogie, comme la priorité d’accès des bacs technos en IUT et des bacs pros en STS, la voie ouverte à l’instauration de parcours diversifiés en licence, la place de l’anglais dans l’enseignement…

Par ailleurs la loi est truffée de formules qui dessinent une université orientée vers le monde économique, tant du point de vue des formations que de la recherche et de l’innovation. Mais il s’agit plus de déclarations de principe que de mesures concrètes.

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La France au top ? Rien n’est moins sûr

On a beaucoup critiqué les classements internationaux d’universités, et à raison pour leur méthodologie très discutable[1] – à tort aussi parfois lorsque les critiques étaient surtout motivées par le désir de justifier les résultats médiocres des universités et écoles françaises. Le propos de ce court article est différent : prenant les classements pour ce qu’ils sont, il s’agit pour nous d’analyser un nouveau classement paru récemment, le classement « Alma Mater Index Global Executives »  du Times Higher Education (THE) et d’en tirer quelques remarques comparatives sur le recrutement des élites en France et dans les autres grandes puissances économiques, et tout particulièrement sur la place de la recherche dans les institutions y formant les élites[2].

Ce classement (ci-dessous dénommé « THE Alma ») répond à la question très simple suivante : Dans quelles universités les dirigeants des plus grosses entreprises mondiales ont-ils fait leurs études ? Les auteurs de cette étude ont donc pris en considération les 500 plus grosses entreprises mondiales, telles qu’elles sont répertoriées par le magazine Fortune dans son classement « Fortune Global » et ont répertorié la ou les universités où leurs PDG avaient fait leurs études (très souvent, les dirigeants ont deux diplômes, une licence (Bachelor) puis un master (par exemple un MBA). Par rapport aux autres classements, celui-ci a l’avantage d’une méthodologie transparente. Pour notre analyse sur la place de la recherche, nous avons utilisé, faute de mieux, les classements (contestables) existants.

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Les limites d’une loi qui ne règle rien

L’examen parlementaire du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche va s’engager dans un contexte assez déconcertant. Il est assez remarquable de voir, d’un côté, des syndicalistes qui demandent l’abandon de la loi[1], des universitaires radicaux pour lesquels la loi actuelle (LRU) est un mal absolu, et qui accusent le pouvoir de la maintenir - voire de l’aggraver[2] - et, de l’autre, un groupe de ci-devant recteurs qui voient dans la nouvelle loi la trahison de la LRU (à laquelle ils sont globalement favorables) et « la capacité de l’enseignement supérieur à s’autodétruire » [3]. Les syndicats d’enseignants et de chercheurs accusent la ministre de passer à la trappe le rapport Le Déaut dont l’auteur estime, lui : « l’avant-projet de loi reprend largement les conclusions de mon rapport ». Tandis que, parallèlement, le président de la CPU n’hésite pas à affirmer : « Cette loi porte une grande ambition, elle va profondément changer le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Et l’UNEF, de son côté, considère qu’elle a obtenu « des engagements importants de la ministre pour remettre les étudiants au cœur de la réforme ».

Les uns et les autres ne doivent pas regarder le projet de loi avec les mêmes lunettes. L’ennui c’est qu’il faille des lunettes pour porter un jugement.

La situation dans laquelle nous sommes englués aujourd’hui mérite analyse et réflexion, plutôt qu’anathème. D’où vient cette incapacité à avancer dans l’élaboration d’une réforme qui soit autre chose qu’un ensemble de mesures techniques, (les unes formelles, les autres déstabilisantes), sans grands objectifs qui emportent l’adhésion ? Une réforme réussie suppose des forces qui la portent, qui aient une vision claire et raisonnée des transformations souhaitables. L’idée de trouver ces forces par le biais des Assises, a échoué, disons le. Elle n’aurait eu de sens que s’il y avait eu, auparavant, une large prise de conscience des enjeux et des transformations à opérer. On a plutôt eu l’expression d’intérêts hétéroclites, face à une technocratie d’Etat peu portée aux audaces. Il a manqué un travail préalable, comme cela avait été le cas avec les colloques de Caen qui ont engendré, en leur temps, une nouvelle forme d’université. Car une réforme n’est pas la simple résultante d’une loi.

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