Archive for février, 2016

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Les masters doivent être sélectifs

Signez la pétition publiée dans lemonde.fr

“Les masters doivent être sélectifs” 

Les masters sont, en France comme à l’étranger, le fleuron d’une université, le lieu où s’expriment au mieux ses spécificités, le fondement de son attractivité et le signe le plus visible de sa réputation. Cela est vrai dans tous les pays du monde, et nos collègues étrangers, tout comme les étudiants tentés par des études en France, déjà bien interrogatifs sur le fonctionnement de notre système, seront stupéfaits d’apprendre que nos formations de master se voient refuser le droit de sélectionner, alors même que la France proclame haut et fort vouloir promouvoir l’image internationale de ses universités.

Les ministères successifs, toutes tendances confondues, ont, dans le souci de ne fâcher personne, ajourné depuis plus de dix ans la mise en place d’un vrai cycle de master tel que prévu dans la reconfiguration des études supérieures en licence, master et doctorat. Ils n’ont pas institué la sélection en première année de master, cohérente avec la notion de cursus en deux ans, mais l’ont conservée à l’entrée de la deuxième année, comme pour les anciens DEA et DESS. Ceci créait un vide juridique que le Conseil d’Etat vient de sanctionner, en jugeant illégale la sélection jusqu’ici pratiquée pour la deuxième année de master (M2) et en confirmant cette interdiction pour l’entrée en première année (M1), sauf pour une liste limitative de masters qui devra être publiée par décret. Désormais, sauf changement législatif ou réglementaire, le master sera en règle générale ouvert à tout étudiant le demandant et ayant obtenu sa licence, sapant du même coup ce qui fait la nature même du master.

Si la poursuite de leurs études en master est une ambition légitime pour beaucoup d’étudiants, licences et masters ne sont pas pour autant des formations comparables. Les masters visent une entrée professionnelle à haut niveau dans le secteur privé ou public, ce parcours pouvant, le cas échéant, être poursuivi et renforcé en doctorat. Ils s’appuient sur un suivi spécifique des étudiants, de la part d’enseignants, de chercheurs, et de professionnels (ingénieurs, cadres, praticiens…) insérés dans les équipes enseignantes ou les laboratoires de recherche. Il est important, tant pour l’émulation et la dynamique des études avant le master que dans la perspective de démocratisation de l’enseignement supérieur, que la licence conduise de très nombreux étudiants des universités qui en ont le désir, vers des masters de haut niveau. Mais pour que de telles formations soient efficaces, il faut que les étudiants s’y soient bien préparés. La sélection pose les bases d’un contrat pédagogique garantissant l’adéquation entre, d’une part, les compétences et les projets des étudiants, et d’autre part l’engagement de l’équipe enseignante. L’offre nationale de masters est aujourd’hui suffisante pour assurer une place à chaque diplômé de licence souhaitant poursuivre ses études : il ne s’agit pas donc pas de réduire l’accès au master, mais de permettre de l’organiser !

Pendant que les universités devront ainsi assumer le poids de la non-sélection, nos “grandes écoles” et nos “grands établissements” pourront tranquillement attirer les étudiants jugés les plus capables et leur conférer le grade de master sans que quiconque leur cherche noise. Dissocier ambitions démocratiques et ambitions scientifiques est une erreur. Alors que le gouvernement affiche son souci d’”égalité réelle”, il doit refuser d’accroître par décret les inégalités institutionnelles réelles au sein de notre enseignement supérieur, entre universités encore peu autonomes et écoles – quand on sait l’urgence de rapprocher les deux systèmes. Nos universités savent former des cadres innovants, affranchis des conformismes par la confrontation à des pratiques de recherche de haut niveau, et capables de s’adapter à un monde en évolution. Refuser la possibilité de sélectionner en master, c’est décourager un peu plus les enseignants-chercheurs, les priver des moyens de s’acquitter de leur mission. C’est un nouveau déni de confiance envers les universités, leurs enseignants et leurs chercheurs.

Nous, universitaires, issus de toutes disciplines, alertons la Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le Secrétaire d’état à l’enseignement supérieur et à la recherche sur les implications profondes de la décision qu’ils vont prendre. Elle engage l’avenir de nos universités et de la recherche française.

Le master doit pouvoir affirmer sa spécificité de formation spécialisée où se rejoignent autour d’un même objectif scientifique et professionnel des étudiants sélectionnés en fonction de leurs capacités et de la pertinence de leur projet.

Nous demandons que soient prises les dispositions légales et réglementaires permettant de faire de la sélection en master, dès la première année, la règle et non l’exception.

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La guerre de sélection des masters est déclarée

Les masters peuvent-ils ou doivent-ils être sélectifs ? Cette question ouverte depuis quelque temps, vient de se poser de façon incontournable après un arrêt du Conseil d’Etat qui déclare cette sélection illégale sans décret complémentaire, aussi bien en M1 qu’en M2, alors qu’elle existe de fait ici ou là. La situation est assez illustrative du clair-obscur dans lequel se débattent les universités françaises.

Les arguments du Conseil d’Etat sont juridiquement imparables. Le dispositif législatif vient de la loi Savary de 1984 : non sélection en second cycle[1] sauf pour les formations spécifiées dans un décret. Le décret prévu à l’article 612-6 du Code de l’Education est nécessaire et suffisant pour permettre la sélection pour « l’admission dans des formations de second cycle » qui peut tenir compte « des capacités d’accueil des établissement et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat ». Ceci vaut pour l’admission en master en général (c’est à dire à la fois en M1, mais aussi en M2 après réussite au M1). Ainsi rien ne s’oppose du point de vue législatif à ce que le décret prévu rende possible (pour une liste de formations) à la fois la sélection à l’entrée du master, et entre le M1 et le M2.

Si le fameux décret fixant cette liste de formations avec droit de sélection n’était pas publié, les universités seraient en grande difficulté, non seulement pour les diplômes liés à la recherche, mais aussi pour les diplômes professionnels (liés ou pas à des laboratoires). Le ministère n’a donc guère le choix et devra publier ce décret. Mais on peut être pessimiste sur sa portée après avoir entendu Mme Najat Vallaud-Belkacem déclarer à l’Assemblée Nationale : « Vous pouvez compter sur moi pour vous assurer que la liste des formations relevant du deuxième cycle pouvant faire l’objet d’une sélection sera très limitative ». Si c’est le cas, on sortirait peut-être de la clandestinité dans l’immédiat, mais ce serait un dramatique recul sur la conception du cursus de master et sur l’autonomie des universités. On peut donc s’étonner que la CPU ne soit pas plus remontée contre la position ministérielle. Certes une motion favorable à la sélection vient d’y être votée, mais sinon il est essentiellement question d’une négociation pour conserver une large liste de M2 sélectifs. Ceci ne règlerait donc rien sur le fond. La seule solution acceptable serait que tous les masters figurent dans le décret.

Finalement, il faudrait se féliciter de l’arrêt du Conseil d’Etat qui empêche que ce sujet de la sélection en master soit à nouveau escamoté. Mais il ne peut y avoir de « liste limitative ». Il ne s’agit pas d’habilitation de masters, mais de la distinction qui serait faite entre deux diplômes de même nature, l’un étant décrété sélectif et l’autre pas. Il dépend aujourd’hui des universitaires de ne pas se laisse enfermer dans une telle contradiction qui dénie à la fois le caractère national d’un diplôme et l’autonomie de l’institution qui le délivre. Si la question générale de la sélection à l’université peut être un objet de débat (cf de nombreux articles dans le présent blog), la libre sélection en master ne peut être découpée dès lors qu’on autorise son principe. Ce principe de sélection unifierait d’ailleurs les universités et les grandes écoles (qui peuvent sélectionner librement pour leurs diplômes de grade master). Il n’est pas exagéré de dire que c’est aujourd’hui pour les universités une bataille vitale.


[1] Etant entendu que la loi LRU de 2007 a déplacé le second cycle au niveau M



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