Author Archive for Carl-Gustav Iacobino

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Initiatives d’excellence (Idex) et politiques publiques, de la droite à la gauche (3e partie)

Carl-Gustav Iacobino est un universitaire que ses responsabilités passées ont amené à s’intéresser aux Idex du Programme d’Investissement d’Avenir.

La différentiation des universités : un constat ou une nouvelle politique de l’Etat ?

Le principe même du PIA-Idex est de donner à certains pôles ou universités un prestige symbolique (Idex) et des moyens supplémentaires (dotation Idex). Il s’agit donc d’un système de différentiation organisé et contrôlé par l’Etat, lancé au moment même où les différentiations les plus importantes étaient soulignées par la publication de plusieurs classements internationaux.

Le lancement de la politique d’excellence, comme politique nationale étroitement contrôlée par l’État, souvent justifiée par la volonté d’être  internationalement compétitif, relève aussi de la croyance dans les vertus du nationalisme volontariste, qui est un bien commun entre une partie de la droite et de la gauche. Cette contradiction explique l’importance accordée par les pouvoirs publics aux « jurys  internationaux », souvent composés d’une majorité de personnes travaillant ou ayant travaillé en France.

La diversité des universités françaises est une évidence : il suffit de penser à l’écart existant entre d’une part l’UPMC ou Paris-Sud, puissantes universités très fortement soutenues par les organismes de recherche, et  d’autre part Pau, Angers ou Reims, qui ne jouent certainement pas dans la même catégorie pour la recherche, la répartition des étudiants entre cycles de formation, le rapport aux territoires, l’attractivité mondiale. Sans parler des universités d’outre-mer. Même si les cartes universitaires ont bien changé dans les 30 dernières années, la prédominance des plus grands sites (Paris bien sûr, Aix-Marseille, Lyon, Grenoble, Strasbourg, Montpellier : liste non exhaustive) est avérée et elle est souvent établie depuis plus de 100 ans (sauf Grenoble, dont l’essor se concrétise principalement après 1945).

S’il n’est pas très facile à une université outsider d’apparaître dans ce paysage, ce n’est pas tout à fait impossible sur le long terme. On peut penser à Nantes ou à Nice, où il n’y avait pas de facultés dans les années 60 et qui, sans être dans le peloton de tête, sont devenus des sites importants. Pendant ces soixante dernières années, les facteurs principaux de ces évolutions ont été l’augmentation du nombre d’étudiants, donc aussi des enseignants-chercheurs, provenant de la démographie pure (classes d’âge plus nombreuses) et de la démocratisation de l’enseignement supérieur. C’est pour ces raisons que des universités se sont créées à partir des années 60 dans des territoires importants dépourvus de tout enseignement supérieur couplé à la recherche, et certaines d’entre elles, plus particulièrement soutenues par des organismes de recherche, ont rejoint un groupe composé d’universités plus anciennes et plus prestigieuses.

L’État a toujours pris acte de cette évidence de la différentiation des universités. Il l’a fait d’une façon plus ou moins discrète jusqu’au début des années 80, sans assumer une politique explicite en ce domaine, sauf parfois en faveur de Paris, ou, au contraire pour aider l’émergence de nouvelles universités, en province ou dans la grande couronne.

Ce qui a changé avec la politique contractuelle lancée à la fin des années 80 : l’État a alors demandé aux universités de définir une stratégie et un projet, les encourageant à s’appuyer sur leurs points forts, donc à les identifier, mais aussi à corriger leurs points faibles. Et c’est sur cette base que s’engageait alors une négociation entre l’État et les établissements. 

Cette différentiation entre universités ne s’est cependant pas accompagnée de différentiation dans les outils utilisés par l’État : la politique contractuelle s’est appliquée à toutes les universités, certes avec des résultats et des niveaux de soutien différents.  Cette politique était l’une des illustrations de la façon dont Michel Rocard, alors Premier ministre, envisageait un rôle nouveau pour l’État, centré sur l’idée de contractualisation. Il s’agissait d’articuler des propositions émanant d’acteurs locaux (pas seulement dans le champ de l’enseignement supérieur) et une négociation menée par le gouvernement et les ministères, conduisant à un accord signé entre les parties. 

La revendication de plus en plus forte de ces différentiations a eu un impact sur d’autres sujets. Certains présidents d’universités ont considéré que la conférence des présidents d’université (CPU) rassemble des établissements trop différents pour pouvoir porter leurs intérêts spécifiques. C’est l’une des raisons de la création en 2008 de la CURIF (Coordination des universités de recherche intensive françaises) http://www.curif.org/fr/a-propos/historique/ qui rassemble aujourd’hui « 16 des 18 plus importantes universités françaises en terme de recherche » (texte de présentation de la CURIF par elle-même http://www.curif.org/fr/a-propos/en-bref/ ).  D’autres groupes se sont constitués depuis, pour occuper d’autres segments de la diversité des universités. Il ne s’agit pas là d’initiatives de l’État mais, comme c’est fréquent dans d’autres pays, d’initiatives des présidents d’établissements autonomes. Il y a des évolutions voisines en Europe. On pense à la création en 2001 de l’EUA (European University Association : http://www.eua.be/) association qui a aujourd’hui plus de 800 membres dont 46 en France; suivie de la création en 2002 de la LERU, Ligue européenne des universités de recherche (http://www.leru.org/index.php/public/about-leru/ qui regroupe aujourd’hui 21 universités, dont 3 françaises.

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Initiatives d’excellence (Idex) et politiques publiques, de la droite à la gauche (2e partie)

Carl-Gustav Iacobino est un universitaire que ses responsabilités passées ont amené à s’intéresser aux Idex du Programme d’Investissement d’Avenir.

2/2 LA GAUCHE

Les Assises et la loi du 22 juillet 2013

Dès son arrivée au pouvoir en mai 2012, la gauche organise des Assises locales et nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles sont présentées lors de leur lancement, le 11 juillet 2012, comme un moment de consultation préalable à la rédaction d’un projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche que le nouveau gouvernement souhaite déposer « dès le début 2013 ».

L’un des 3 thèmes de ces Assises est « la révision de la gouvernance des établissements et des politiques de sites et de réseaux », ce qui se transforme, lors de la tenue du colloque conclusif (26 et 27 novembre) en « contribuer à la définition du nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche ». 

Le rapport de synthèse[1], remis le 17 décembre 2012 à François Hollande, contient 135 propositions dont certaines concernent plus ou moins directement les Idex:

-       « Retirer  la  personnalité  morale[2]  aux  Idex et  supprimer  les  «périmètres d’excellence» (propositions 82 et 83) ;

-       « Transformer  les  pôles  de  recherche  et  d’enseignement  supérieur  en grandes  universités à  l’échelle  régionale »  (propositions 95 à  99)

    Ce rapport est très critique sur les  « modalités de l’appel d’offre des Idex, qui a donné lieu à de nombreux dysfonctionnements », sans pourtant autant préciser la nature de ces dysfonctionnements. Il est tout aussi critique sur le « gouvernement précédent » qui « s’est invité dans ce regroupement historique des universités avec impéritie», pour avoir donné comme objectif la concurrence là où il fallait défendre la coopération et le regroupement à travers des PRES, mais sous la réserve de la proposition 95 : « transformer les PRES en grandes universités démocratiques […] , permettre le développement de grandes universités à caractère fusionnel, fédéral ou confédéral. […] Proscrire le développement d’établissements à caractère dérogatoire au cadre légal général».

On reconnaît ici en germe l’une des dispositions centrale de la loi qui sera votée en juillet 2013, à savoir la création de plusieurs formes de regroupements, combinables : association (anciennement appelé « rattachement »), fusion, communautés d’universités et d’établissements (Comue). La mention des établissements « à caractère dérogatoire » visait les « grands établissements », sous-catégorie juridique des EPSCP, et la loi de juillet 2013 introduira de fortes contraintes[3] pour en limiter la création. Ce qui a eu une conséquence indirecte sur certains projets d’Idex qui avaient annoncé utiliser des dérogations pour sortir des règles statutaires classiques des universités françaises, notamment pour la composition des instances de gouvernance.

Le rapporteur insiste sur la nécessité d’aller au delà des 8 Idex existants : « les opérations de consolidation d’ensembles universitaires concernent tout le monde[4], y compris ceux qui n’ont pas été labellisés Idex mais qui ne doivent pas être oubliés, parce qu’ils œuvrent aussi à la construction de grandes universités avec des potentiels de recherche parfois importants ».

D’où la proposition 99 : « lancer un nouveau programme de consolidation de grandes universités, prenant en compte la politique d’aménagement du territoire ».

On voit que ces analyses et critiques ne conduisent pas à remettre en cause le programme Idex, mais peut-être à l’aménager, sans que ces aménagements soient explicités, sauf dans l’abandon de la notion[5] de « périmètre d’excellence ».

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Initiatives d’excellence (Idex) et politiques publiques, de la droite à la gauche

Carl-Gustav Iacobino est un universitaire que ses responsabilités passées ont amené à s’intéresser aux Idex du Programme d’Investissement d’Avenir.

La décision de lancer un programme d’excellence pour les universités et les groupements, qui figure dans son principe dans un discours[1] de Nicolas Sarkozy prononcé le 22 juin 2009 devant Parlement réuni en Congrès, a été prise tout début 2010 dans la foulée du rapport Juppé-Rocard remis le 9 décembre 2009.

L’une des préconisations phares de ce rapport est de « soutenir la transformation d’un nombre limité (cinq à dix) de groupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche (indépendamment de leur statut : universités, grandes écoles, fondations de coopération scientifique…) en institutions pluridisciplinaires de dimension et de réputation mondiales, avec l’objectif de les faire figurer dans les cinquante premiers des différents classements mondiaux et du futur classement européen, et d’en faire entrer deux dans les vingt premiers. »

 Cette ambition a été soutenue, certes avec quelques nuances de vocabulaire[2] mais sans inflexions majeures sur le fond, par trois gouvernements successifs (Fillon, Ayrault, Valls) dans le cadre des PIA1 et PIA2 (plans d’investissement d’avenir).

Voici deux citations parmi de nombreuses autres qui montrent cette continuité  :

- Nicolas Sarkozy, 4 juin 2010, annonçant à Paris le PIA1, dont les Initiatives d’excellence Idex : « Notre objectif est simple : faire émerger une dizaine de campus d’excellence avec les moyens, la taille critique, les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleures universités mondiales[3]. »

- François Hollande, 30 janvier 2014, annonçant à l’Université de  Strasbourg  le lancement d’un nouveau programme Idex dans le PIA2 : « L’objectif est de doter le pays d’universités parmi les meilleures au monde, et qui permettront à la France, de tenir son rang dans la compétition économique et scientifique que nous connaissons[4]. »

La sélection de deux nouveaux Idex  dans le cadre du PIA2  (janvier 2016) et les décisions de la fin de période probatoire des 8 Idex du PIA1 (avril 2016) permettent de tirer un premier bilan des 6 premières années du programme Idex : est-ce que ce programme est en passe d’atteindre ses objectifs initiaux ?

La réponse est malheureusement négative.

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