Carl-Gustav Iacobino est un universitaire que ses responsabilités passées ont amené à s’intéresser aux Idex du Programme d’Investissement d’Avenir.
La décision de lancer un programme d’excellence pour les universités et les groupements, qui figure dans son principe dans un discours[1] de Nicolas Sarkozy prononcé le 22 juin 2009 devant Parlement réuni en Congrès, a été prise tout début 2010 dans la foulée du rapport Juppé-Rocard remis le 9 décembre 2009.
L’une des préconisations phares de ce rapport est de « soutenir la transformation d’un nombre limité (cinq à dix) de groupements d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche (indépendamment de leur statut : universités, grandes écoles, fondations de coopération scientifique…) en institutions pluridisciplinaires de dimension et de réputation mondiales, avec l’objectif de les faire figurer dans les cinquante premiers des différents classements mondiaux et du futur classement européen, et d’en faire entrer deux dans les vingt premiers. »
Cette ambition a été soutenue, certes avec quelques nuances de vocabulaire[2] mais sans inflexions majeures sur le fond, par trois gouvernements successifs (Fillon, Ayrault, Valls) dans le cadre des PIA1 et PIA2 (plans d’investissement d’avenir).
Voici deux citations parmi de nombreuses autres qui montrent cette continuité :
- Nicolas Sarkozy, 4 juin 2010, annonçant à Paris le PIA1, dont les Initiatives d’excellence Idex : « Notre objectif est simple : faire émerger une dizaine de campus d’excellence avec les moyens, la taille critique, les liens avec les entreprises qui leur permettront de rivaliser avec les meilleures universités mondiales[3]. »
- François Hollande, 30 janvier 2014, annonçant à l’Université de Strasbourg le lancement d’un nouveau programme Idex dans le PIA2 : « L’objectif est de doter le pays d’universités parmi les meilleures au monde, et qui permettront à la France, de tenir son rang dans la compétition économique et scientifique que nous connaissons[4]. »
La sélection de deux nouveaux Idex dans le cadre du PIA2 (janvier 2016) et les décisions de la fin de période probatoire des 8 Idex du PIA1 (avril 2016) permettent de tirer un premier bilan des 6 premières années du programme Idex : est-ce que ce programme est en passe d’atteindre ses objectifs initiaux ?
La réponse est malheureusement négative.
Bilan en 2016 : un échec global (mais un succès mérité pour 3 universités)
A ce jour, sur les 8 Idex sélectionnés en 2011 et février 2012, et après une période probatoire de 4 ans, trois universités se voient reconnaître, de façon définitive, comme Idex. Il s’agit de Aix-Marseille, Bordeaux et Strasbourg. Trois sont à nouveau en période probatoire : Sorbonne Universités (SU), l’université Paris Saclay et Paris Sciences Lettres (PSL). Et deux sont arrêtés : l’université fédérale de Toulouse et l’université Sorbonne Paris Cité (USPC).
On doit y ajouter Nice et Grenoble, Idex retenus en janvier 2016 dans le cadre du PIA 2, pour lesquels débute maintenant une période probatoire de 4 ans. Dans le cas de PSL et de Saclay, si l’on en croit le Commissariat Général à l’Investissement (CGI), la nouvelle période probatoire doit permettre de définir le modèle intégratif choisi et d’avoir l’accord des CA des établissements concernés sur ce modèle. Au bout des 18 nouveaux mois probatoires, ces deux Idex seront devant l’alternative[5] suivante que le jury aura à trancher: arrêt ou nouvelle période probatoire de 4 ans, destinée à vérifier que la construction institutionnelle retenue fin 2017 se met en place. On arrive ainsi à la fin 2021, soit 12 ans[6] après le lancement du programme Idex, pour une éventuelle confirmation officielle de ces 2 Idex,
Aucun des trois Idex confirmés ou des 2 nouveaux Idex du PIA2 ne figure dans les 50 premières places des classements mondiaux (ARWU, QS, THE, US News). Et ces classements sont trop stables pour imaginer que l’un de ces 5 Idex puisse atteindre ce niveau les 30 prochaines années, sauf rupture bien imprévisible, qui ne sera certainement pas due au niveau des financements Idex tant ceux-ci sont modestes (au maximum 30 M€ par an).
Prenons l’exemple ici, et pour la suite, du classement ARWU[7], dit aussi de Shanghai. Les 3 universités confirmées dans le PIA 1 ont les places suivantes : Aix-Marseille 135 ; Strasbourg 87 ; Bordeaux 205. Les deux sélectionnées dans le PIA2 sont : Grenoble-Alpes : 120 (il s’agit d’une simulation due à une équipe de PSL : le premier classement officiel de l’université fusionnée devrait apparaître en août 2016), Nice : 420.
On est tellement loin de l’ambition initiale que l’on peut parler d’échec[8], au moins momentané.
Ceci n’est, pour une partie, pas une surprise tant l’objectif du rapport Juppé-Rocard, souvent repris par des personnalités politiques de droite ou de gauche (avec plus de constance à droite) était éloigné de tout réalisme.
En effet, dès 2003 (première année de publication du classement ARWU), tous ceux qui ont regardé de près les données bibliométriques et les méthodes des principaux classements qui commençaient à fleurir ont été certains que les seules universités, existantes ou nouvelles, pouvant figurer assez vite dans les 50 premières de ces grands classements sont en Île-de-France.
Le paysage des regroupements universitaires s’est d’ailleurs précisé en 2008, principalement autour du plan campus qu’avait lancé en 2008 Valérie Pécresse (6 projets sélectionnés en novembre 2008, puis 4 autres en février 2009).
Sur la base des regroupements qui se sont alors dessinés à travers les dynamiques de réponse au plan campus, les regroupements parisiens sont : PSL (avec l’ENS entre la 99ème et la 67ème place depuis 2005), SU (avec l’UPMC entre la 46ème et 36ème place depuis 2004), Saclay (avec Paris-Sud entre la 50ème et la 37ème place depuis 2008) et USPC (Paris Diderot autour de la 110ème place et Paris-Descartes autour de la 180ème en 2015).
Cette certitude, qui pouvait apparaître comme seulement intuitive en 2009, est corroborée par une étude récente[9] qui montre qu’il n’y a que 4 regroupements pouvant, peut-être, assez vite figurer dans les 50 premiers mondiaux (Saclay, PSL, SU, USPC).
Il y avait donc une naïveté, en tout cas un grand excès dans le volontarisme, à afficher un objectif aussi ambitieux que celui choisi par la commission Juppé-Rocard (5 à 10 dans les 50 premiers, dont 2 dans les 20 premiers). Mais on sait que le volontarisme excessif n’est pas toujours un frein à la définition de politiques publiques, au risque de faire perdre toute crédibilité aux discours des responsables politiques.
Mais ce volontarisme n’explique pas comment on arrive, au bout de 6 ans, à un résultat aussi décevant au regard de l’objectif initial.
Ainsi Strasbourg, classé 82ème en 2004, est maintenant 87ème. Aix-Marseille et Bordeaux ont certes nettement progressé dans ce classement, mais l’essentiel de cette progression est due au processus de fusion des universités (pour être plus précis[10] : des universités scientifiques Aix-M1 et Aix-M2 ; de Bordeaux 1 et Bordeaux 2), processus lancé et réalisé avant l’Idex pour Aix-Marseille, et lancé et terminé en 2013 pour Bordeaux. La situation à Grenoble est analogue (encore que l’échec à l’Idex du PIA1 ait joué un grand rôle pour lancer enfin la fusion des universités grenobloises, actée par un décret à la fin 2015). Nice, qui est classée au delà de la 400ème place, s’éloigne fortement de l’une des exigences initiales des Idex.
Il est donc frappant de voir que à ce stade, aucun des 4 regroupements qui pourrait figurer dans les 50 premiers des classements mondiaux n’est définitivement retenu : tous sont dans une position fragile (SU, où la fusion annoncée entre l’UPMC et Paris 4 n’est pas encore certaine[11]), très fragile (PSL et Saclay) ou dangereuse (USPC).
Pour comprendre cette très mauvaise performance des regroupements d’Île-de-France, et donc l’échec (momentané ?) de l’ambition initiale du programme Idex, il faut analyser de plus près la méthode utilisée par les pouvoirs publics, d’abord sous la présidence Sarkozy, puis sous la présidence Hollande, pour décider de la liste des Idex.
On verra d’une part qu’il y a ici une très forte continuité[12]. Il y a eu en particulier constance dans la volonté des responsables politiques (premier ministre, ministres) de confier au jury la responsabilité dans la définition, l’évaluation, la mise en œuvre et le suivi de pans importants des politiques publiques. Ce qui ne pouvait guère que conduire, à des détails près, au résultat médiocre que l’on constate aujourd’hui.
1 / 2 : LA DROITE
La création du CGI et le recours à un jury, phase de sélection (2010-février 2012)
Dès le début, en 2009, il a été décidé par Nicolas Sarkozy et le gouvernement Fillon que le dispositif de pilotage du PIA devait échapper à l’organisation habituelle de l’Etat, c’est-à-dire aux ministères compétents. On peut y voir la volonté, plutôt rationnelle, d’avoir un pilotage et une vision interministérielle, d’où la création du Commissariat Général aux Investissements (CGI) placé auprès du Premier ministre (décret du 22 janvier 2010). Mais s’est ajoutée une défiance très sarkozienne vis-à-vis des ministères, de leurs administrations centrales, symboles de routine et de lenteur, ce qui se constate dans de nombreux détails. Ainsi, pour n’en citer qu’un seul, le CGI assiste aux auditions et délibérations des jurys Idex, alors que le ministère en charge de l’enseignement supérieur n’a pas le droit d’assister à ces réunions importantes et donc d’avoir un renseignement de première main sur les projets proposés et les délibérations des jurys.
S’est ajoutée aussi la défiance de l’Etat, partagée depuis toujours par la droite et la gauche, vis-à-vis des universités. Ainsi le programme Idex est la seule action du PIA1 qui soit à la fois entièrement financée par les intérêts d’une dotation non consommable, et dont le financement puisse être remis en cause à l’issue d’une période probatoire (de 4 ans, pouvant être prolongée) : tous les autres investissements du PIA sont acquis une fois qu’ils sont décidés.
Reste un point important et original de ce processus : l’Etat a choisi de laisser la décision à des jurys, désignés de fait[13] par le CGI.
Les acteurs les plus informés, notamment la présidente de PSL, qui a participé à la commission Juppé-Rocard, ont immédiatement compris, dès 2010, l’importance qu’il y avait à partager par anticipation le point de vue du jury, donc à le deviner.
Tous les sites candidats ont dû comprendre le sens qu’allait donner le jury à la notion assez floue de « pôles pluridisciplinaires d’excellence d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial sur le territoire français[14] », à la volonté de disposer d’une « gouvernance » originale et comment allait se traduire l’exigence d’un « rapprochement effectif entre grandes écoles et universités ».
Les sujets de rapprochement entre écoles et universités ne se posent pas, ou alors seulement de façon très marginales, pour Aix-Marseille, Bordeaux et Strasbourg. Dans ces 3 cas, l’université cible est institutionnellement évidente : il s’agit de l’université fusionnée portant l’Idex. Ainsi, et sans mettre en doute la qualité[15] et l’intensité du travail qu’ils ont su réaliser dans les 4 ans de la période probatoire, on savait aussi, dès 2011, que Aix-Marseille, Bordeaux et Strasbourg relevaient des situations les plus simples, mais aussi les moins prometteuses en matière de classement international.
En revanche, pour chacun des 4 Idex d’Île-de-France, pour Toulouse, mais aussi pour d’autres sites pour le moment sans Idex (Lyon, Lille), ces enjeux institutionnels sont complexes. Ceci provient à la fois du nombre établissements d’enseignement supérieur concernés par l’Idex (13 à Saclay, plus 7 organismes de recherche ; 23 à Toulouse, plus 5 organismes), et parfois de la diversité de leurs tutelles ministérielles (éducation, défense, industrie, environnement, agriculture, culture, etc). D’autant que ces enjeux institutionnels ont toujours été considérés comme centraux par le jury, qui est à la fois très exigeant sur de la nature juridique de « l’université cible », et peu impressionné par les contraintes légales en France.
On sait donc, depuis 2011, que ce sont ces 5 Idex qui vont voir le plus grand mal à tenir le cap annoncé au moment de la sélection.
On voit que pour le jury, aucun de ces 5 Idex n’a réussi, après 4 ans de période probatoire, à convaincre le jury qu’il avait apporté les réponses espérées. Le jury, qui a considéré qu’aucun d’entre eux n’a su respecter les engagements pris en 2011 ou 2012, a gradué son désaccord en étant plus favorable à SU qu’à PSL et Saclay, et plus favorable à ces deux derniers Idex qu’à USPC et Toulouse.
Cet écart entre engagements et réalisations pour les 5 sites complexes devrait interroger le jury et les pouvoirs publics. Ils pourraient se demander ce qui relève d’une part du manque de réalisme (voire du cynisme ?) des projets initiaux et d’autre part des défauts de la procédure (les exigences initiales du jury étaient-elles sérieuses ? le jury a-t-il été abusé ? ou complice ?). Mais le jury et les pouvoirs publics, peu enclins à l’autocritique, restent silencieux à ce sujet.
Ce qui suit est un essai d’explication pour le PIA1. Nous allons distinguer la phase de sélection (2010 à 2012), puis la phase probatoire (2012-2016). La première se mène sous la responsabilité d’un gouvernement de droite, la seconde sous un gouvernement de gauche.
Pour être sélectionné : d’abord plaire au jury
Comme on l’a dit, tous les porteurs de projets Idex ont cherché en 2010 et 2011 à deviner ce que pouvait bien vouloir le jury et à lui plaire, c’était indispensable pour être sélectionné.
Cet exercice, qui a parfois primé sur la rigueur du projet déposé, était encouragé par la méthode de sélection : une phase de présélection avec une ou deux auditions, puis la demande d’une note delta (destinée à aller plus loin dans les orientations qui pouvaient plaire au jury), puis une nouvelle audition. Le jury avait ses interprètes, d’abord au CGI, alors très actif pour des conseils, voire des ordres, à destination des candidats ; mais aussi au cabinet de la ministre de l’époque. L’Etat a été très présent sur certains dossiers, notamment pour redresser la situation compromise à Saclay : le premier ministre a alors nommé un chargé de mission, qui était l’un des ses anciens conseillers, pour faciliter la convergence entre établissements qui avaient bien du mal à s’entendre, tant ils relevaient de cultures et de tutelles différentes.
Ce système d’adaptation en étapes successives (contacts avec le CGI et les cabinets des ministres, présélection, sélection, auditions) a obligé les porteurs de projets Idex à choisir[16] entre deux risques :
- avoir un projet réaliste, mais alors presque surement refusé par le jury pour manque d’ambition et d’intégration ;
- avoir un projet irréaliste, mais s’adaptant de mieux en mieux, au fur et à mesure des étapes de la sélection, à la doxa du jury.
Après les nombreux échecs du premier tour du PIA1 (seuls Strasbourg, PSL et Bordeaux sont alors choisis alors qu’il y a 17 candidats), c’est le second choix qui a été fait par tous les projets, dont les 4 d’Île-de-France et Toulouse, ce qui conduira inévitablement à de fortes difficultés dans la mise en œuvre ultérieure.
Ce choix de privilégier la séduction du jury à la robustesse du projet, choix certes un peu cynique mais parfaitement rationnel dans le contexte de la période 2010-2012, a été facilité par la méthode de rédaction utilisée sur ces sites, et encouragée par le CGI et le gouvernement de l’époque : ces projets, rédigés par de toutes petites équipes ont été gardés secrets le plus longtemps possible (et certains de ces dossiers Idex de 2011 ne sont toujours pas mis en ligne). Ils n’ont été connus des instances des établissements qu’une fois la décision prise, au moment inévitable où des CA devaient se prononcer sur les conventions à passer avec l’Etat.
L’irréalisme de ces projets a souvent été masqué, plus ou moins habilement, plus ou moins partiellement, par le choix d’un vocabulaire ambigu. Ainsi, ont été mises en avant des expressions comme « université unifiée » (SU et USPC) ou « intégration » (Saclay, PSL et Toulouse) laissant parfois croire au jury qu’il pouvait cependant s’agir de fusions (« merge » puisque tout ceci se fait et se dit en anglais), sans que ces « nuances » soient expliquées aux instances compétentes et aux communautés qu’elles représentent.
Le CGI et le gouvernement, certainement moins naïfs que le jury (mais il est possible que le jury ait été, lui aussi, cynique), ne serait-ce que parce que plus au fait des réalités de terrain que ce dernier, pressés de conclure avant les élections présidentielles de 2012, se sont satisfaits de ces ambiguïtés qu’ils n’ont pas essayé de lever. Les conventions signées en 2011 et 2012 pour installer les Idex indiquent que les engagements des établissements sont ceux qui figurent en annexe dans les dossiers déposés par les candidats (et validés par le jury), alors même que certains de ces longs dossiers (souvent plus de 100 pages) sont obscurs, voire contradictoires dans leurs diverses strates (projet initial, note delta, autres ajouts ou retraits post-sélection au moment de la négociation sur le niveau du soutien financier). L’Etat a ainsi intégré ces ambiguïtés, voire ces contradictions, dans les actes juridiques, rendant ceux-ci quasi inutilisables.
Enfin, certains des engagements institutionnels les plus importants (fusion d’établissements, employeur unique des enseignants-chercheurs, etc) ont été pris oralement devant le jury afin d’emporter sa conviction à l’arraché.
On arrive ici à une des plus fortes originalité du programme Idex : avoir fait jouer un grand rôle à des promesses orales qui ne figurent dans aucun document écrit, qui ne sont votées par aucune instance, mais dont le souvenir, plus ou moins fidèlement gardé par le jury et une partie du CGI, peut être utilisé 4 ou 10 ans plus tard.
C’est un moyen original, et quelque peu dangereux, de mener des politiques publiques de long terme. Il est vrai que l’essentiel du jury et une bonne partie des responsables des programmes d’excellence du CGI sont en place depuis 2010 et se sont posés comme seuls garants d’engagements pris sous une forme qu’il étaient peu à peu les seuls à connaître[17] et à rappeler le moment venu à de nouveaux acteurs ou responsables.
On arrive ainsi à mai 2012. A ce moment, six des huit Idex retenus ont signé avec l’Etat la convention qui leur permet de recevoir, pour une période probatoire de 4 ans des crédits liés à une dotation (théorique) qui pourrait leur être définitivement attribuée si cette période probatoire est un succès.
Les deux Idex qui n’ont pas voulu signer à ce moment-là sont USPC et Toulouse. Les responsables[18] des universités de USPC ont probablement jugé qu’il leur fallait du temps pour informer leurs instances du projet Idex qu’elles ne connaissaient pas. Dans le cas de Toulouse, ceci résultait de l’élection de nouveaux présidents (entre mars et mai 2012) qui avaient fait campagne contre le projet d’Idex.
Mai 2012 : Nicolas Sarkozy perd les élections et François Hollande est élu président de la République française.
Dans son programme de campagne (« le changement, c’est maintenant »), François Hollande avait indiqué en parlant des universités : « J’accélérerai la mise en œuvre des Investissements d’avenir et je veillerai, en favorisant les coopérations et les mises en réseau, à ce que ne se constituent pas de déserts universitaires et scientifiques. » (proposition 39). Il avait été un peu plus précis dans un discours à Nancy : il y avait expliqué que, sans vouloir revenir sur le PIA, il souhaitait « corriger les inégalités territoriales » et préférer « une logique de coopération » à « une logique de compétition ».
La seconde partie de ce papier abordera la façon dont la gauche a assuré la mise en œuvre du programme Idex.
On verra pourquoi elle n’a en rien corrigé les défauts manifestes du programme initial et en quoi, par faiblesse et manque de vision, elle est largement responsable de l’échec actuel.
A suivre (2/2) :
Comment la gauche a préféré plaire au jury plutôt que d’assurer l’ambition du programme Idex
[1] http://discours.vie-publique.fr/notices/097001847.html
[2] On peut ici comparer les préambules de la convention du 23 septembre 2010 (gouvernement Fillon) entre l’Etat et l’ANR relative au programme d’investissements d’avenir (action « initiatives d’excellence ») et celle du 23 juin 2014 (gouvernement Valls, mais largement préparée par le gouvernement Ayrault) sur le second programme d’investissements d’avenir (action IDEX/I-SITE).
[3] http://discours.vie-publique.fr/notices/107001292.html
[4] http://www.elysee.fr/declarations/article/allocution-du-president-de-la-republique-lors-de-son-arrivee-a-l-institut-de-science-et-d-ingenierie-supramoleculaires-isis/
[5] Cette information, vérifiée aux meilleures sources, n’a curieusement pas fait l’objet d’une communication publique de l’Etat.
[6] Ce qui est à mettre en relation avec l’un des attendus de la commission Juppé-Rocard (page 57 du rapport) : « Cette action [Idex] prendrait la forme d’un défi lancé aux institutions ou groupements d’institutions susceptibles de prétendre à ce statut, en les poussant à se dépasser et à accomplir en quelques années le chemin qu’ils mettraient spontanément des décennies à parcourir »
[7] On s’appuie ici sur le classement ARWU. Les classements QS et THE sont encore plus décevants pour les universités françaises. Dans ces deux classements, qui font jouer un grand rôle à la « réputation », aucune université française ne figure dans les 100 premières. L’ENS est 23ème pour QS et 54ème pour THE, Polytechnique 40ème et 101ème.
[8] Nous ne sommes pas encore au bout du programme Idex du PIA1 (et seulement au début du programme Idex du PIA2). Le bilan définitif ne pourra être tiré que dans 4 ans (voire 6 ou 10 ans : voir plus loin pour ces délais).
[9] Voir à ce sujet : « the effect of university mergers on the Shanghai ranking », Journal of Scientometrics, July 2015. http://dl.acm.org/citation.cfm?id=2792958
[10] Le classement ARWU ne tient que très peu compte des performances en SHS, de sorte qu’une fusion avec une université à dominante dans ces secteurs ne contribue pas à améliorer les places dans les rankings. Mais une telle fusion a un intérêt en soi, pour constituer des ensembles pluridisciplinaires à l’image de la plupart des universités prestigieuses à l’étranger.
[11] Le CA de Paris 4 est favorable à cette fusion, mais avec une majorité très courte.
[12] Vincent Berger, ancien conseiller de François Hollande, en charge de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’Education a expliqué à la fin 2015 qu’il n’y avait pas, en ce domaine et quelques autres, de différences entre la droite et la gauche.
[13] Le CGI, qui a jugé que les propositions faites en 2011 par l’ANR étaient trop trop mauvaises, a décidé de prendre directement en main la composition du jury Idex. Le CGI a du en outre significativement modifier à la fin 2011 le jury Labex après la première vague (Labex1), tant les décisions de ce jury avaient posé problème.
[14] Extrait de la convention Etat-ANR de septembre 2010 donnant les objectifs du programme Idex.
[15] Il faut aussi rappeler que ces 3 sites avaient pris les devants en réalisant la fusion d’universités avant le lancement de l’Idex (pour Strasbourg et Aix-Marseille) et en lançant cette fusion avant le programme Idex (pour Bordeaux). EIl n’y a donc rien de choquant à voir que 3 sites ayant su mener des exercices courageux appuyés sur une vision collective bénéficient de financement Idex. Même si l’essentiel du chemin n’a pas grand chose à voir avec le lancement national de ce programme d’excellence.
[16] Cette contradiction a été particulièrement forte pour les 5 Idex retenus qui regroupaient de nombreux établissements, avec des questions complexes portant sur la gouvernance et sur la définition de la « target university » (question clef posée par le jury).
[17] On rappelle que les ministères n’assistent pas aux auditions devant le jury, contrairement au CGI.
[18] Il est possible que les 4 présidents d’alors, dont 3 au moins étaient très proches de la gauche, aient aussi préféré attendre les résultats de l’élection présidentielle pour négocier avec une nouvelle majorité.