Archive for février, 2010

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Universités parisiennes : l’autonomie ou la planification ?

Le chargé de mission Bernard Larrouturou vient de remettre à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche la version finale de son rapport, intitulé « Pour rénover l’enseignement supérieur parisien ». Cette mission devait coordonner et arbitrer le plan Campus de Paris intra muros, et « proposer, en lien étroit avec l’ensemble des acteurs concernés – collectivités locales et établissements – un schéma directeur pour l’enseignement supérieur à Paris, appuyé sur les projets pédagogiques et scientifiques des établissements. Au-delà d’un état des lieux qui ne manque pas d’intérêt, le produit final est un plan « à l’ancienne », piloté par l’Etat, qui propose une restructuration de l’enseignement supérieur à Paris laissant peu de place à l’autonomie des établissements.

Déjà, on pouvait s’étonner de voir associer aussi étroitement le plan Campus et la constitution de PRES. Dans le plan Campus il s’agissait en principe d’opérations immobilières proposées par les universités. Ces opérations pouvaient certes venir en appui de stratégies de rapprochement, mais l’association de plusieurs universités dans un projet Campus n’avait a priori aucune raison de « préfigurer un PRES » [1]. L’objectif est devenu « de construire à Paris – via des regroupements d’établissements et en s’appuyant sur les exemples de grands pôles universitaires étrangers – un petit nombre de belles « universités confédérales ». Ce qu’on peut dire, en tout cas, c’est qu’aucun des grands pôles universitaires étrangers « visibles de Shanghai » ne s’est construit ainsi. Les PRES en voie de constitution ne résultent pas, d’ailleurs, de la volonté des communautés universitaires concernées, mais plutôt de manœuvres tactiques de certains leaders soucieux de bien se placer pour décrocher le jackpot, d’abord du plan Campus, puis du « Grand Emprunt ». A Paris, l’Etat se sert du dispositif “bureaucratique” des PRES pour orienter la restructuration des universités. Ce faisant, on anesthésie l’autonomie introduite dans chaque établissement par la LRU. Cette autonomie finira par se résumer à la caricature qu’en avaient dessinée ses détracteurs (pouvoir personnel des présidents, clientélisme, dépossession de la communauté académique…) si elle ne permet pas aux forces vives d’influer sur les questions de stratégie universitaire.

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Fièvre obsidionale à Villetaneuse

Vignette obsidionaleLe 14 décembre 2009, sur le campus de Villetaneuse, « trois individus s’introduisent dans un amphi, en plein cours, et commencent à chahuter. Un étudiant demande le calme. Invectives. Bagarres. Le bras que lève le jeune homme pour se protéger le visage est lacéré de plusieurs coups de couteaux »[1]. Toute la presse, friande de ce genre d’évènements, s’en fait l’écho. Ce n’est que le plus grave et le plus spectaculaire d’une série d’incidents qu’a connue le campus depuis la rentrée. L’émotion est vive et l’on se demande comment faire pour les éviter. La présidence de l’université propose d’entourer le campus d’une clôture de 2km de long et de 3m de haut qui aurait cette allure

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Un peu rude pour une université qui se targue d’être « ouverte sur la ville »…

Qu’à cela ne tienne, on pourrait masquer le corps du délit par une clôture végétale

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Tout ceci va coûter très cher à réaliser, sans compter les armées d’ouvriers et de jardiniers qu’il faudra pour entretenir l’ouvrage, et de gardiens pour le rendre opérationnel.

Une fois de plus l’université est tombée dans le piège : on croit avoir la paix en se coupant symboliquement de son environnement. Je dis « symboliquement » car, techniquement, une telle clôture est totalement inefficace. En effet le problème est d’empêcher les trublions de pénétrer, en contrôlant les entrées dans le périmètre protégé, tâche qui ne va pas de soi pour un campus fréquenté par plus de 10.000 personnes, d’autant plus que la différence d’allure entre un étudiant et un délinquant ne saute pas toujours aux yeux et que la frontière entre les deux catégories peut être floue sur les marges (les dealers ne sont pas tous de vrais délinquants…). S’agissant de l’incident relaté plus haut, rien n’empêchait a priori d’intercepter les auteurs des violences aux entrées des bâtiments d’enseignement qui sont déjà munies de grilles. Mais aucun filtrage n’était opéré à ces grilles, et la question se pose d’ailleurs des moyens à donner à des vigiles qui ne sont pas des policiers, pour intercepter les intrus. En tout cas, le fait de reculer les grilles aux frontières du campus n’y changera rien, au contraire.

A l’intérieur de l’université, de plus en plus de voix se font entendre pour refuser cette politique d’enfermement[2]. Il n’est pas inutile de se souvenir d’un passé récent et de mettre la situation présente en perspective.

Le climat d’insécurité relative qui règne sur le campus de Villetaneuse a commencé à se développer il y a une vingtaine d’années et ne fait, depuis lors, qu’accompagner la dégradation continue du tissu social à la périphérie des grandes villes. Il s’agit d’une insécurité relative car, si déplorables que soient les incidents, ils restent plutôt mineurs pour une concentration de plus de 10.000 personnes, par rapport à ce qui se passe dans les villes voisines du territoire. On peut noter, en particulier, que pendant les graves émeutes de 2005 il n’y a eu ni voitures brulées ni bâtiments dégradés sur le campus de Villetaneuse.

Certes on aimerait que le campus soit un havre de paix. La question est de savoir où se situe le seuil de tolérance. Comme le remarque l’article du Monde[3] « en matière de violences, le seuil de tolérance des étudiants, souvent venus des cités, semble se situer un cran au-dessus de leurs enseignants. A l’instar de Faihina Saidani, étudiante en L3 information et communication, ils sont nombreux à se sentir bien dans cet espace mélangé, où chacun trouve sa place, avec ses différences et à estimer qu’il faut arrêter de stigmatiser la banlieue en laissant penser qu’on est plus en danger ici qu’ailleurs ».

On ne peut faire abstraction du contexte. Dans un rayon de deux kilomètres on trouve une concentration universitaire de plus de 40.000 étudiants dans deux universités, avec un potentiel de recherche et de formation considérable, couvrant presque tous les domaines disciplinaires. Et pourtant nous nous trouvons dans une terre d’exclus[4]. Bien sûr ce n’est pas le seul visage d’un territoire qui possède de vrais atouts économiques. Mais les exclus, nous les rencontrons  tous les jours dans la rue en sortant. Et ils viennent même dans nos murs se réchauffer, ou nous déranger. Nous voyons de près leurs visages de jeunes paumés.

mailgooglecom-ang002.jpgDéjà, il y a vingt ans, au moment des premières émeutes de Vaulx-en-Velin, le campus de Villetaneuse avait été le théâtre d’incidents graves et répétés : non seulement des atteintes aux biens, mais aussi des agressions de personnes. Cet accès de violences avait complètement désemparé notre monde universitaire, en menaçant de façon vitale son équilibre qui est fait d’ouverture et de tolérance. On avait eu des réactions d’autodéfense chez les personnels, et pour couper court à tout ce que ceci pouvait avoir de malsain, la direction de l’université avait, à contre cœur, commencé à édifier des grilles pour marquer les limites du campus. Très vite nous avions réalisé que nous nous engagions dans un processus dangereux. Les grilles étaient périodiquement brisées par endroit et la logique aurait voulu alors que nous les renforcions, que nous en défendions l’entrée avec des gardiens munis de bâtons. Bref une dérive à la New-Yorkaise ! L’université avait eu à choisir. Elle avait finalement choisi de renoncer aux grilles et de faire face. De faire face au défi que j’évoquais plus haut : la confrontation des deux mondes. Car c’est une bataille décisive où il faut engager toutes les ressources de notre intelligence. C’est ici que la bataille se gagne ou se perd. C’est ici que se joue l’avenir de la société urbaine. Et comment peut-on croire qu’on puisse échapper à cette bataille en s’enfermant derrière une dérisoire « ligne Maginot ».

Dans les années 1990, nous étions devenus partenaire actif du « contrat de ville ». Au sein d’une commission tripartite Ville-Etat-Université, nous avions mis en place tout un programme d’actions touchant :

  •          Le soutien scolaire et le lien social

  •         La culture scientifique et technique pour tous

  •          Le sport et la médecine préventive

  •          L’aide à l’insertion.

Même si nous y allions avec une certaine naïveté, le dialogue avec les jeunes exclus avait eu pour  premier résultat de faire baisser la tension. Mais il s’agissait de mesures « palliatives ». Je demeure persuadé que les actions décisives contre l’exclusion se situent bien en amont du problème de l’insécurité. Je crois, en particulier, que la consolidation des deux universités du territoire contribue, à moyen terme, beaucoup plus à la cohésion sociale que des programmes d’urgence. A condition, cependant, que ces institutions ne se constituent pas en mondes fermés, ou en appendices du monde parisien, mais mobilisent toutes leurs énergies pour le développement économique, social  et culturel du territoire.

Ceci sonne comme un formidable défi. Cette confrontation entre deux mondes : celui de la science et de la culture, et celui de l’exclusion. Avons-nous encore, eux et nous, des valeurs communes ? La pire des réponses, en tout cas, ce serait d’édifier de façon visible et agressive une barrière définitive entre les deux mondes.



[1] « L’université Paris XIII-Villetaneuse, victime d’intrusions et de violences répétées ». Le Monde du 16.12.10.

[3] Ibid.

[4] Rappelons qu’une minorité seulement de la jeunesse populaire parvient à l’université.

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L’espoir

Libération de Mandela

Le 11 février 1990, Nelson Mandela est libéré après 27 ans de captivité.



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