La « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) est une disposition légale, entrée en vigueur le 1er mars 2010, qui donne le droit à tout citoyen de contester la constitutionnalité d’une loi dont il estime qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit. Certains enseignants-chercheurs de Droit ont invoqué la QPC pour soulever l’inconstitutionnalité de quatre articles du code de l’éducation découlant de la LRU[1] et relatifs aux comités de sélection, au droit de veto du président, à la répartition des services, et aux responsabilités et compétences élargies. Le 9 juin 2010, le Conseil d’Etat chargé de statuer sur la validité de la QPC, a décidé le renvoi des articles incriminés devant le Conseil Constitutionnel qui dispose de 3 mois pour faire connaître sa décision.
Les questions juridiques soulevées par ces diverses QPC sont assez délicates. Mais il est clair que la LRU a donné des armes redoutables au président et à son conseil d’administration, et ce au détriment du pouvoir traditionnel des enseignants-chercheurs. On peut très bien comprendre que le président ait besoin d’outils pour mener sa politique universitaire mais le législateur y est allé un peu fort. Ainsi, la nouvelle procédure de recrutement est-elle inutilement compliquée et donne-t-elle un pouvoir exagéré à un président qui souhaiterait utiliser toutes les armes mises à sa disposition. On en a vu quelques exemples depuis l’entrée en vigueur de la loi[2].
Par ailleurs, la question de la modulation des obligations de service est elle aussi délicate. L’idée d’une telle modulation est parfaitement raisonnable, mais il est vrai que cela peut induire une distorsion entre les membres d’un même corps national. C’est l’éternelle question de la coexistence d’universités autonomes (ou prétendues telles) et le maintien de règles et de corps nationaux.
Le droit de veto, contesté pour le président, existe depuis toujours au bénéfice des directeurs d’IUT sans que cela ne choque nos collègues juristes (de minimis non curat praetor ?). Les exigences liées à une bonne gestion de l’établissement face aux droits statutaires des enseignants-chercheurs sont délicates à peser.
Il est difficile de deviner quelle pourra être la position du Conseil constitutionnel. Par le passé, le Conseil, dans une décision historique du 20 janvier 1984, avait constitutionnalisé le principe de l’indépendance des professeurs (pas des maîtres de conférences !), mais cette décision devait beaucoup (sans doute même tout) au Doyen Vedel qui était alors membre du Conseil. Lorsqu’on regarde aujourd’hui la composition de cette instance, on ne voit pas beaucoup d’amis des mandarins… Un juriste averti avec lequel je m’en suis entretenu, ne parie guère sur un succès de ce recours. Reste que si le Conseil devait prononcer l’inconstitutionnalité, les dispositions visées seraient immédiatement frappées de nullité et il faudrait les réécrire. La LRU en deviendrait boiteuse et la question de son abrogation pourrait se poser ; mais, surtout, le mouvement des universités françaises vers l’autonomie en serait suspendu. Rendez-vous donc en septembre !