Aujourd’hui que l’échéance présidentielle est derrière nous, on peut se poser toute une série de questions sur les choix politiques à venir pour l’enseignement supérieur et la recherche. Il faut bien reconnaître que le paysage reste assez nébuleux, et personne ne peut croire que la lumière va jaillir, comme par miracle, des «Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche » promises par François Hollande. Une telle manifestation est certainement très utile pour confronter des idées et des projets avec ceux qui seront censés les mettre en œuvre et dont l’adhésion doit être recherchée, mais ces idées et ces projets font partie d’une politique nationale et ne peuvent résulter de la seule volonté des catégories qui participeront à ces assises[1]. On peut comprendre que François Hollande soit resté relativement évasif jusqu’ici sur ses propositions car les options mises en avant par les uns et les autres à gauche sont assez divergentes, et l’arbitrage politique sera très délicat.
Vers la guerre civile ?
Le mouvement de 2009 s’est conclu par une défaite que beaucoup voudraient effacer. Une « coordination nationale » a commencé à se constituer « pour ne pas trahir 2009 » et demande l’abrogation de toutes les réformes de ces dernières années. Cette coordination n’est pas très représentative pour l’instant mais, plus sérieusement, une « intersyndicale universitaire et des organismes de recherche », rejointe par les associations « Sauvons la Recherche » et « Sauvons l’Université », a publié un communiqué unitaire réclamant la dénonciation de la signature des conventions IDEX, le dessaisissement de l’AERES au profit du Comité national de la recherche scientifique, un collectif budgétaire par transfert des crédits de l’ANR et du crédit impôt recherche,… Plus récemment encore, lors d’un congrès d’étude au Mans, le SNESUP a réclamé « une rupture qui doit se traduire par des engagements immédiats : abrogation du Pacte pour la Recherche (ANR et AERES), de la loi LRU et de ses décrets d’application (comité de sélection…), du décret statutaire modifié des enseignants-chercheurs et de l’évaluation qu’il implique, de l’arrêté licence d’août 2011, des arrêtés transférant aux présidents d’université les pouvoirs du ministre en matière de gestion de la carrière des enseignants-chercheurs »… Toutes propositions qui ne figurent pas dans le programme de François Hollande. On sent dans la mouvance protestataire une grande méfiance, pour ne pas dire plus, envers ceux qui sont accusés d’avoir accompagné la mise en œuvre des réformes, notamment et très symboliquement les présidents d’université (dont certains sont dans les cabinets aujourd’hui), comme si ceux-ci n’étaient pas l’expression d’une bonne partie de la communauté universitaire, y compris de syndicalistes.
Beaucoup pensent que le nouveau pouvoir ne remettra pas profondément en cause les réformes. C’est aussi l’opinion de certains observateurs étrangers. Ainsi, pendant la campagne présidentielle on pouvait lire dans un article du Times Higher Education : « In the run-up to the French presidential elections, the Socialist Party is insisting that it will not backtrack on the current government’s controversial overhaul of higher education. (..) Hollande says he will not repeal the reform, but wants to simplify funding and give state universities real freedom by investing in higher education ». De sorte qu’il n’est pas excessif de dire qu’on sent comme une ambiance de « guerre civile »…[2] Certes on comprend la nécessité de gommer ou de corriger fortement tout un ensemble de mesures dont on a fait ici la critique à de multiples occasions. Mais tout ne se résume pas en une abrogation et à un retour en arrière (vers une situation idéale ?). Il ne faut pas se masquer les enjeux de l’enseignement supérieur aujourd’hui, qui requièrent de profondes transformations si l’on veut avoir de véritables universités en France.