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Le projet de loi, à charge et à décharge

En attendant le verdict parlementaire, on peut instruire à charge et à décharge le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Ce n’est pas très original mais l’exercice est utile car on n’est pas à la fin de l’Histoire et il est bon de nourrir la réflexion collective. Cette loi, promise par le président de la république pendant sa campagne, devait être l’expression d’une nouvelle ambition pour l’université et un évènement majeur du quinquennat. Le moins qu’on puisse dire c’est que ce ne sera pas le cas, même s’il faut s’abstenir de tout jugement simpliste. Et pour ce qui est du simplisme, on est servi. Que la droite politique tire à boulets rouges sur le projet d’un gouvernement de gauche, quoi de plus naturel. Mais, du côté gauche, il y a de quoi être un peu éberlué par les réactions excessives et divergentes des uns et des autres. Pour des syndicats tels que le Snesup, comme pour des mouvements radicaux tels que SLR ou SLU, la condamnation est totale et sans appel. Pour SLU, par exemple, il s’agit « d’une LRU maquillée, d’une LRU renforcée, d’une LRU extrémisée ». Pour la Coordination des responsables des instances du CNRS (C3N), « le projet de loi ne répond à aucune des critiques et ne retient aucune des propositions qu’a faites le C3N dans deux contributions aux Assises et dont une partie était pourtant reprise dans le rapport de V. Berger et le rapport Le Déaut ». A quoi le député Jean-Yves Le Déaut, auteur du rapport en question rétorque : « les principales mesures de mon rapport se retrouvent bien dans cet avant-projet de loi ». De son côté, le président de la CPU ne craint pas d’affirmer : « Cette loi porte une grande ambition, elle va profondément changer le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche », ce qui n’a pas empêché la CPU d’essayer (avec un certain succès) de vider le projet de loi des dispositions qui limitaient les pouvoirs donnés aux présidents par la LRU. L’UNEF qui s’était déjà distinguée en 2007 par son attitude conciliante envers la LRU, explique aujourd’hui : « L’UNEF obtient des engagements importants de la ministre pour remettre les étudiants au cœur de la réforme ». La ministre Geneviève Fiorasso a d’ailleurs su habilement s’appuyer sur la CPU et sur l’UNEF, dans un contexte général plutôt désabusé… Mais tout ça, me direz-vous, c’est de la basse politique, la position de certains étant déterminée par leur souci de ne pas trop gêner le parti au pouvoir. Essayons d’être plus objectifs !

 Beaucoup, qu’ils soient des critiques virulents de la loi, ou qu’ils soient proches du pouvoir politique, déplacent leurs revendications sur le terrain du financement de l’enseignement supérieur et de la recherche[1]. Ils réclament de l’argent, beaucoup d’argent, de l’Etat, tout en sachant que les caisses sont vides. Aussi importante que soit la question, elle dépasse complètement l’objet de la loi en préparation qui traite de la stratégie, de l’organisation et des structures de l’enseignement supérieur et de la recherche publique. Ceux qui réclament avec le plus de véhémence des crédits publics supplémentaires sont aussi ceux qui s’opposent à l’autonomie et qui prônent un pilotage étatique ! Il est vrai que les universités françaises ont du mal à assumer leur autonomie alors que l’essentiel de leurs crédits sont publics et que leurs personnels permanents sont fonctionnaires. Et comment s’étonner de l’attachement des personnels à leur statut, dans un contexte de paupérisation[2] où ce statut est la seule richesse qui leur reste. Mais à tout ceci, la future loi ne changera ni n’ajoutera rien.  

La lecture du projet de loi n’est pas très passionnante car il y a peu de passages significatifs, contrairement à ce que semblent dire certains. Le premier reproche qu’on peut faire à cette loi c’est sa timidité. De ce point de vue, ceux qui voulaient la peau de la LRU ne peuvent être que déçus. Les nouveautés sont rares et s’effilochent au fil du temps, le ministère lâchant du lest en permanence, sans désarmer pour autant les oppositions les plus radicales. Cependant il y a quand même un petit nombre de dispositions qui ne sont pas de pure forme, et pour instruire le projet de loi à charge et à décharge, le mieux est de mettre le projecteur sur ces points-là.

Les BTS, les IUT, et la licence

Il y a tout d’abord quelques fortes déclarations de principe, mais dont la traduction concrète est renvoyée aux décrets d’application. Ainsi lorsqu’il est dit (article 18) : « Les titulaires du baccalauréat professionnel bénéficient d’une priorité d’accès aux sections de techniciens supérieurs et les titulaires d’un baccalauréat technologique bénéficient d’une priorité d’accès aux instituts universitaires de technologie selon des modalités précisées par décret ». Si cet article ne restait pas de pure forme, ce serait une petite révolution. Outre la résorption d’un échec massif des bacheliers pros et technos, on redonnerait une valeur à la licence, autrement que par des voies détournées comme, par exemple, les bi-licences (toute franche sélection étant exclue, même à l’entrée du master). Malheureusement, si l’on en croit les récentes déclarations de Geneviève Fiorasso devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), la priorité donnée aux titulaires d’un bac professionnel ou technologique, ne concernerait que 10 à 15% de places (en plus, on suppose) en BTS et IUT. La révolution ne serait plus qu’une réformette !

L’université et le monde économique

Un très fort accent est mis dans le projet de loi sur les missions du service public de l’enseignement supérieur en direction du « monde socio-économique ». Ceci sans complexe et avec une netteté d’expression plus grande qu’auparavant. Ainsi : « Le service public de l’enseignement supérieur contribue à la croissance et à la compétitivité de l’économie, et à la réalisation d’une politique de l’emploi prenant en compte les besoins des secteurs économiques et leur évaluation prévisible ». En de nombreux endroits il est question du « transfert des résultats de la recherche vers le monde socio-économique ». La formule revient comme un leitmotiv. Et l’exercice des activités de transfert fait l’objet de développements spécifiques. On imagine l’irritation – pour ne pas dire plus - de tous ceux qui mettent une barrière éthique entre la recherche académique et le monde économique. SLU s’indigne : « Le transfert de la recherche publique vers l’économie devient une mission du service public, et la valorisation économique devient le critère de l’excellence de la recherche en général » (..) « Nous refusons la marchandisation de l’éducation, du savoir et de la recherche publique, telle qu’elle s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne. Nous refusons la prise de contrôle de l’enseignement et de la recherche par les intérêts particuliers.». On n’en voudra pas trop à SLU qui regroupe essentiellement des universitaires de SHS de colporter ce mythe français d’une université colonisée par l’entreprise. Aux Etats-Unis, La recherche universitaire est financée à près de 85% sur fonds fédéraux ou sur fonds propres (le produit des endowments, capitaux contrôlés en propre par les universités elles-mêmes), le reste du financement provenant principalement des fondations et des États fédéraux. La recherche appliquée menée en université a diminué depuis les années 1980 ! Environ 15% des fonds de la recherche universitaire lui sont consacrés, l’essentiel de la recherche finalisée s’effectuant dans les entreprises elles-mêmes.[3] Le texte du projet de loi transporte une vision réductrice de la relation entre les universités et l’économie. C’est une croyance assez répandue que le premier déficit de l’innovation, c’est de ne pas savoir exploiter les inventions de la recherche, et que pour combler ce déficit, les universités devraient devenir des acteurs plus directs de l’innovation. Certes les universités peuvent contribuer à l’innovation (et elles le font), mais l’innovation est un processus économique lié au marché dans lequel les universités ne peuvent jouer qu’un rôle mineur. Leur véritable fonction dans la société est beaucoup plus large[4]. S’agissant de l’adéquation de la formation à l’emploi, on pourrait citer la conclusion d’une étude du CEREQ : « Depuis trente ans nous vivons dans l’illusion d’une possible adéquation entre les offres d’emploi pour les jeunes et les diplômes délivrés. Ceci aboutit à spécialiser de plus en plus les formations, bacs pro ou licences professionnelles par exemple. C’est méconnaître les trajectoires d’insertion dans l’emploi qui durent souvent plusieurs mois, voire plusieurs années. C’est ignorer les pratiques de recrutement des entreprises. (..) Une majorité de jeunes se stabilise dans un emploi qui ne correspond pas à sa formation, et l’on sait par ailleurs que ce “désajustement” ne se réduit pas avec le temps. Chercher à ajuster de plus en plus précisément les contenus des formations à leurs débouchés supposés est donc en partie vain».

On me dira que ce n’est pas la prose d’un projet de loi qui va changer la réalité des choses. Mais l’idéologie qui la sous-tend est un sérieux contresens.

La gouvernance

La gouvernance des universités est le gros morceau du projet de loi. C’est là-dessus qu’on l’attendait, et c’est une vraie déception. J’ai discuté cette question en détail dans mon précédent article auquel je renvoie pour l’essentiel. D’abord on ne touche guère au Conseil d’administration qui n’est l’objet que d’ajustements - comme l’abolition de la prime majoritaire aux élections, ou le vote des membres extérieurs pour l’élection du président (que la CPU refuse). La principale nouveauté est la création d’un Conseil académique dont on pouvait espérer qu’il joue le rôle d’un « Sénat académique » avec ses divers comités, comme dans les universités américaines[5]. Mais l’originalité de ce conseil n’a cessé de s’estomper : le dernier amendement présenté au CNESER précise qu’il est « composé par le regroupement de deux commissions, une commission de la recherche et une commission de la formation et de la vie universitaire ». Certes il est spécifié que « les statuts de l’université peuvent prévoir la mise en place d’autres sections au sein du conseil académique. Cependant on semble s’acheminer vers une reconduction du passé, surtout si c’est le président de l’université qui préside ce conseil - ce qui est une possibilité prévue par la loi. La véritable nouveauté qui demeure c’est l’attribution de prérogatives délibératives au Conseil académique (à l’une ou l’autre des deux commissions de ce conseil). A la commission de la formation, « les règles relatives aux examens, la répartition des moyens pour la formation, alloués par le Conseil d’administration, les règles d’évaluation des enseignements, la mise en œuvre de l’orientation des étudiants et de la validation des acquis… ». A la commission de la recherche « la répartition des crédits de recherche alloués par le Conseil d’administration, les règles de fonctionnement des laboratoires… ». Le Conseil académique est « l’organe compétent pour l’examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l’affectation et à la carrière des enseignants chercheurs », siégeant en formation restreinte aux professeurs pour les questions qui les concernent, et en formation restreinte avec une moitié de professeurs pour les autres enseignants chercheurs.

La création de ce Conseil académique est un acte manqué. Au-delà de l’intention et des prérogatives nouvelles qui lui sont attribuées, on peut s’interroger sur son fonctionnement boiteux, en concurrence avec le Conseil d’administration (les deux conseils étant à majorité d’élus avec, très probablement, le même président), avec une représentation étudiante pléthorique en formation plénière. On pourra avoir de sacrés débordements ! Evidemment on peut toujours espérer qu’une université sera assez intelligente pour encadrer le fonctionnement du Conseil académique dans ses statuts, et lui donner une vraie dimension. Un miracle est toujours possible ! Un point positif pour l’avenir est cependant d’avoir franchi un pas en transférant des prérogatives du Conseil d’administration au Conseil académique.

Les regroupements

Les dispositions relatives aux « regroupements des établissements » (articles 39 à 42) constituent un autre point majeur du projet de loi. Une ambition affichée est de simplifier et d’assouplir les dispositifs. Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) sont supprimés (ce qui est une mesure salutaire) au bénéfice de la structure de « communauté scientifique » qui s’applique à tout regroupement qui n’est pas une fusion. Mais l’avantage de la simplification administrative est contrebalancé par le caractère « planificateur » de la loi, même si l’on nous dit que ces regroupements se feront sur la base du volontariat[6] - mais aura-t-on le choix ?  Certes la définition générale est souple (article 39) : « Sur un territoire donné, dans le cadre d’un projet partagé, les établissements et les organismes de recherche partenaires coordonnent leur offre de formation et leur stratégie de recherche et de transfert. (..) Les regroupements mettent en œuvre les compétences transférées par leurs membres ». On peut penser aux « state systems » américains. Mais, tout de suite, l’affaire se « soviétise » : « La politique territoriale de coordination est organisée par un seul établissement pour un territoire donné ». « Sur la base du projet commun, un seul contrat est conclu entre le ministre chargé de l’enseignement supérieur et les établissements regroupés ». C’est là que les choses se compliquent un peu car le contrat comporte « des stipulations spécifiques à chacun des établissements regroupés ou en voie de regroupement. Ces stipulations spécifiques sont proposées par les établissements et doivent être adoptées par leur propre conseil d’administration. Elles ne sont pas soumises à délibération du conseil d’administration de la communauté scientifique ». Que se passe-t-il si la communauté a un projet commun dont toutes les « stipulations spécifiques » sont refusées par les intéressés ?

On parle de « coordination », mais la loi va beaucoup plus loin puisque « la communauté scientifique est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel » tout comme une université. De fait, on crée des super-universités dotées d’organes décisionnels qui se superposent à ceux des universités membres : elles peuvent délivrer des diplômes, percevoir des droits d’inscription, passent contrat avec l’Etat qui leur attribue des moyens en crédits et en emplois, qu’elles répartissent entre leurs membres ; elles peuvent devenir maître d’ouvrage, conduire des activités internationales ou de valorisation…

Tout comme une université, une communauté est dotée d’un conseil d’administration et d’un conseil académique (plus un « conseil des membres »). Une différence capitale est dans la composition du conseil d’administration : outre des représentants des établissements et organismes de recherche, il comprend 30% de personnalités qualifiées et 40% de représentants élus (au suffrage direct ou indirect) des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs,  des autres personnels, et des étudiants. Ainsi les élus ne sont pas majoritaires au CA de la communauté, alors qu’ils le sont nettement dans les CA des universités membres. Comment faire coexister ces deux niveaux de CA construits sur des principes si différents[7] ? Les mauvais esprits pourront penser que c’est une façon de contourner une réforme des conseils d’administration d’université qu’on n’a pas osé - ou pas pu - réaliser… C’est en tout cas un pari d’arriver à faire fonctionner ces deux étages sans blocage, et de concevoir une politique contractuelle qui donne le premier rôle aux communautés.

La France aurait donc un système unique au monde où les universités traditionnelles s’effaceraient, pour tout ce qui concerne la stratégie au moins, au profit de ces super-universités régionales qui seraient le plus souvent des mastodontes, sous la tutelle de l’Etat. Dans ce contexte, peut-on encore parler d’autonomie des universités ? La souplesse que l’on a dans la coordination et les regroupements volontaires d’universités disparait derrière le caractère unificateur de ces « préfectures universitaires ». C’est vrai que notre organisation publique et centralisée de l’enseignement supérieur nous pousse dans cette direction. Mais je croyais qu’on essayait d’en sortir plutôt que d’épouser ce déterminisme historique. Nous risquons d’y perdre ce qui fait la qualité des formations et des laboratoires : la liberté d’initiative des acteurs, la collégialité, la diversité… qui, partout dans le monde, se déploient dans des universités de taille raisonnable où la subsidiarité est la règle.

L’évaluation

Pour terminer parlons de l’évaluation. Un premier point positif, c’est que la France abandonnera son système lourd et très formel d’habilitations des formations et des diplômes (d’ailleurs impossibles à juger ex-post), pour rejoindre les autres pays européens qui accréditent les établissements[8]. Le contenu et les modalités de l’accréditation ainsi que le cadre national des formations seront fixés par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Il faudra voir si on n’enferme pas l’accréditation dans des contraintes bureaucratiques, mais le principe est clair : « L’arrêté d’accréditation de l’établissement emporte l’habilitation de ce dernier à délivrer, dans le respect du cadre national des formations, les diplômes nationaux dont la liste est précisée dans l’arrêté ».On serait tenté de dire : voilà une bonne chose de faite qui aurait soulagé l’AERES.

Mais l’AERES est supprimée, après un « lynchage » en règle. Ou plutôt, elle est remplacée par le « Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » qui en principe ne fait que « valider les procédures d’évaluation ». Le projet de loi ajoute que le Haut conseil pourra quand même, si besoin est, effectuer directement les évaluations. Sage précaution car, si l’on a bien compris que le CNRS et les autres organismes brûlent de reprendre la maîtrise complète de l’évaluation de leurs unités (une des raisons de leur hostilité irréductible à l’AERES), on voit encore mal comment cela va se passer dans les universités. On aboutit à ce paradoxe que, s’agissant de stratégie, l’autonomie des universités leur est retirée au profit d’une superstructure régionale, tandis que, s’agissant d’évaluation, on la joue à l’américaine ! A titre de comparaison, du côté de la Grande Bretagne, c’est tout le contraire : les universités sont autonomes, mais leurs départements de recherche font l’objet d’une campagne nationale d’évaluation. Je n’ai pas été le dernier à faire de vives critiques à l’AERES[9]. Pourtant, en dépit de ces critiques, je pense que c’est une grave erreur d’abolir tout dispositif national d’évaluation de la recherche. Ce thème de l’évaluation a mis du temps à émerger en France ; il ne faudrait pas l’oublier. C’est l’Académie des Sciences qui, la première, a proposé  « la mise en place de structures d’évaluation dépendant directement des universités et des organismes de recherche qui auraient la charge de constituer des comités d’évaluation indépendants, faisant appel à des experts nationaux et internationaux reconnus ». Pour le CNRS ceci reviendrait à restaurer le Comité National dans toutes ses prérogatives. Pour les universités, par contre, on peut craindre le pire : la « culture de l’auto-évaluation » ne s’établit pas du jour au lendemain, en jetant brutalement tout le monde à l’eau.

Dans le monde, deux systèmes d’évaluation de la recherche peuvent retenir l’attention. Aux Etats-Unis, on a affaire, au niveau de chaque université, à une évaluation indirecte basée sur les résultats obtenus par les équipes de recherche aux différents appels à projets de la NSF et des autres agences, des fondations…, l’attribution des grants valant évaluation favorable pour ceux qui les reçoivent.  C’est donc à ce niveau que se situe la véritable évaluation, et elle est très liée au financement sur projets qui s’accompagne d’ailleurs de préciputs importants au bénéfice des institutions. En Grande Bretagne, on a affaire à une véritable évaluation nationale, non pas par une agence, mais au travers d’une campagne nationale d’évaluation, tous les 5 ou 6 ans : dans le passé, c’était le Research Assesment Exercise  ; c’est aujourd’hui le Research Excellence Framework . Les résultats de cet exercice servent de base objective au financement public récurrent des équipes de recherche, qui est ensuite globalisé par établissement. Dans les deux cas, ce ne sont pas les différentes universités qui mettent en place des comités indépendants et souverains ; on a une évaluation externe, directe ou indirecte[10].

 En conclusion

On voit que le projet de loi mérite d’être lu attentivement, même si on le trouve un peu déprimant, ou si on le vilipende. Il faudrait parler aussi, et peut-être surtout, de tout ce qui n’y figure pas[11]. Certes les lois ne règlent pas tout, mais nous vivons dans un pays où elles comptent beaucoup. Si notre pays n’est pas capable de produire une meilleure loi, disons-nous que la responsabilité en est très largement partagée. En face d’un gouvernement timoré et aux moyens limités, d’une administration façonnée par les grandes écoles et pour laquelle l’université compte peu, on a des universitaires arcboutés sur des positions très défensives qui s’avèrent conservatrices, parfois même réactionnaires. Et il ne sert à rien d’afficher des objectifs généraux ambitieux, sans la capacité et la volonté des différents acteurs de les mettre en œuvre. Mais l’université française ne manque pas d’intelligences, et nous ne sommes pas à la fin de l’Histoire




[1] Voir par exemple le blog d’Henri Audier

[2] Le pouvoir d’achat des salaires nets des professeurs et maîtres de conférences a baissé d’environ 20% entre 1981 et 2004. Voir « Les traitements des fonctionnaires français 1960-2004 - L’exemple des éboueurs et des enseignants » par B. Bouzidi, T. Jaaidane et R. Gary-Bobo.

[3] Pierre Gervais  « Universités et entreprises : l’histoire d’un malentendu » in La Vie des Idées (oct 2008)

[5] « Ce n’est pas notre culture en France, donc on n’a pas voulu parler de « Sénat académique » (G. Fiorasso devant l’OPECST)

[6] G. Fiorasso devant l’OPECST.

[7] Lors de la séance du 5.02.2013 de l’OPECST, le député Alain Claeys déclare : « Je me pose la question de la légitimité des conseils de ces communautés face aux conseils des universités »

[9] Ibid.

[11] Ibid.