Archive for février, 2011

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2012 - Contribution au débat

Les idées qui suivent s’adressent d’abord à ceux qui souhaitent un changement politique en 2012. Que les autres me pardonnent ; ils y trouveront quand même matière à réflexion. Le programme de la social-démocratie française pour l’enseignement supérieur et la recherche est encore si incertain, les éléments qu’on en connaît paraissent si contradictoires, qu’il n’est pas inutile de lancer des bouteilles à la mer…[1]

De la difficulté d’aller à contre-courant

Il y a une vraie difficulté à proposer aujourd’hui une autre politique de l’enseignement supérieur et de la recherche car, en face des réformes diverses et souvent contradictoires lancées par l’actuel gouvernement, le mouvement d’opposition a été essentiellement défensif. Il y avait des revendications tout à fait légitimes, mais l’inspiration générale était plutôt « conservatrice ». Beaucoup résumaient l’affaire à « une offensive néolibérale » contre le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, implicitement crédité de toutes les qualités. Aussi, toutes les propositions qui visent à changer ce système en profondeur courent-elles le risque d’être reçues comme une trahison. Mais c’est un risque à prendre.

Pour l’autonomie des universités

Une question centrale touche au rôle de l’Etat et à l’autonomie des universités. Quelle que soit l’issue politique en 2012, je ne crois pas que la longue marche des universités françaises [2] vers l’autonomie pourra tourner court, en dépit des graves défauts de la LRU. D’abord son application est trop avancée et les établissements s’y sont déjà engagés, en dépit des discours, d’une façon qui n’est plus totalement réversible. Mais, au-delà des aspects législatifs et règlementaires, l’autonomie est un changement de culture qui n’a de sens que si les acteurs y croient. Or, dans le récent mouvement contre les réformes, beaucoup se sont crispés sur une défense excessive et très contestable du pilotage centralisé par l’Etat. Pourtant l’autonomie fut naguère une idée de gauche. Ainsi dans le rapport du Collège de France remis en 1985 au président de la République, intitulé « Propositions pour l’enseignement de l’avenir », et rédigé au nom de ses collègues par Pierre Bourdieu, on trouve un vibrant plaidoyer pour l’autonomie dans tous les ordres d’enseignement, mais spécialement dans l’enseignement supérieur[3]. Un aspect positif de l’autonomie c’est de déchirer le voile de l’égalité formelle et de forcer les acteurs à se positionner et à s’impliquer, au lieu de s’abriter derrière l’application de règlementations prétendument neutres.

Un obstacle à l’émergence de véritables universités en France, outre l’histoire institutionnelle, c’est le doute et la méfiance que suscitent leur autonomie et leur rôle d’opérateur de recherche, alors qu’il faudrait une mobilisation de toutes les énergies pour assumer cette mutation dans de bonnes conditions. Il importe donc d’affirmer la valeur positive de l’autonomie, et d’inciter les universitaires à se l’approprier. Ceci suppose à coup sûr de corriger quelques dispositions de la LRU, mais tout ne se résume pas à la loi.

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Gloire à l’autonomie !

A ceux qui douteraient encore des talents de propagandistes des scribes de la rue Descartes, il faut recommander la lecture d’une brochure en couleurs publiée sur le site du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et intitulée « Les bénéfices de l’autonomie des universités ». On nous y explique que tout baigne, que l’argent coule à flots, et que grâce à l’AUTONOMIE les universités font des miracles comme l’attestent les histoires édifiantes recueillies dans de nombreux établissements.

Un très vieux souvenir me revient alors : je pense à un voyage en Chine, où l’on nous chauffait les oreilles avec les bienfaits du régime maoïste, et où l’on nous distribuait quotidiennement des témoignages de petites gens à la gloire du grand timonier : « Grâce au président Mao ma famille mange à sa faim, j’ai des souliers en bon état… ».

Vous croyez que je radote ? Lisez la brochure. On y apprend que, depuis l’AUTONOMIE, les universités font du tutorat, installent des centres de ressources en langues, des salles de visioconférence, des bornes wifi sur les campus, des bureaux d’études doctorales, des ressources pédagogiques en ligne, des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle où l’on apprend à faire un cv…  On n’imagine pas comme ils étaient primitifs dans les facs avant l’AUTONOMIE !

Mais que font-ils d’autre avec l’AUTONOMIE ? Ils créent des chaires d’excellence dans l’espoir d’avoir un nobélisable. C’est pas bête ça, pour remonter au classement de Shanghai ! Sinon, les promotions, les primes, les requalifications d’emplois, je vous dis pas comme ça pleut, même pour les BIATOS. Ils doivent tous être aux anges ! Pourvu que ça dure ! On aimerait avoir une information moins  anecdotique sur la nouvelle gestion des ressources humaines par les différentes universités, ses réalités et ses perspectives.

Par ailleurs, depuis l’AUTONOMIE, ça carbure avec les entreprises. Donnent-elles de l’argent aux fondations ? En tout cas elles ne semblent pas avoir de rancune à jouer les utilités dans les conseils d’administration. Il y en a même qui nouent des partenariats avec les universités - ça ne s’était jamais vu, je vous dis !

Et tous ces campus d’excellence qui seront « exemplaires en termes de qualité architecturale et environnementale », avec « une vraie vie de campus où scientifiques et étudiants se rencontrent en permanence et peuvent accéder à toute heure à tous les services dont ils ont besoin »… L’émotion me submerge !

En fait d’émotion, c’est plutôt la tristesse de voir traiter comme un sujet de basse propagande ce qui reste un grand enjeu. L’autonomie ne consiste pas à grappiller quelques miettes ici ou là. C’est une mutation considérable qui ne va pas de soi et qui n’a rien d’acquise pour l’instant. Essayer de la vendre comme un gadget ne peut que réjouir ses opposants irréductibles.



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