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Dur dur d’être président d’université par les temps qui courent !

Quand nous étions gamins, à l’école primaire, à l’approche des vacances, mes copains et moi chantions cette comptine :
Vive les vacances
Plus de pénitences
Les cahiers au feu
La maîtresse au milieu !

Et je me souviens bien que ma maman me disait toujours qu’il ne fallait pas que je chante le dernier vers. Quand même, brûler la maîtresse !

Et bien, à voir la télévision, à écouter la radio, à lire la presse et certains sites Internet, je me dis que les présidents d’université d’aujourd’hui ne sont guère mieux servis que nos institutrices d’antan ! Certes, président lors d’une période d’agitation universitaire, cela a toujours été une position difficile (tout autant que doyen de Faculté en 68), mais il semble que l’on atteigne aujourd’hui un niveau de hargne hors du commun. Les présidents d’université seraient des dictateurs à la solde du grand capital et à la botte de Nicolas Sarkozy, par nature incompétents, à la fois manipulés et manipulateurs, en tout cas, indignes de représenter leur communauté.

Bien que, convenons-en, tout cela soit faux, il n’est pas inutile de s’interroger sur ce qui a pu conduire à une telle déformation de l’image des présidents dans une certaine partie (que je crois minoritaire, mais qui occupe le devant de la scène médiatique) du monde universitaire, étudiants, personnels administratifs, techniques et enseignants mêlés.

Quelques éléments, sans ordre précis :

  •  La place prise par la CPU

Grâce au travail persévérant effectué par nombre de bureaux successifs depuis au moins dix ans, voire plus, cette instance est passée du rôle d’amicale des présidents à celle d’interlocuteur crédible, et même, n’ayons pas peur des mots, de vrai pouvoir. Ses positions sont largement reprises dans la presse. Sa médiatisation la rend incontournable. Les présidents, sinon médiatiquement obscurs sous-préfets aux champs (excusez-moi chers collègues), en se dotant de cet outil, se font pouvoir national. Et dans la foulée, pouvoir à abattre, d’autant plus que sa légitimité démocratique, à l’inverse de celle de telle ou telle coordination au mieux cooptée, parfois autoproclamée, est incontestable. Ainsi lit-on dans un communiqué de la “coordination des universités” : “Prenant acte de profondes divergences entre les positions défendues par la Conférence des Présidents d’Université et celles de la communauté universitaire, la Coordination Nationale des Universités affirme le caractère non représentatif et non légitime de la CPU qui n’a pas vocation à négocier avec le gouvernement.” Typique d’un certain état d’esprit.

  • Le développement d’actions en dehors des syndicats classiques

Même si ces syndicats peuvent avoir une certaine défiance vis-à-vis de tel ou tel président, ils acceptent globalement le jeu de la démocratie et de la représentation. Ils ont bien souvent contribué à faire élire leur président. Et même si celui qui l’a emporté n’est pas celui qu’ils ont soutenu, critiquer sa fonction les conduirait à se mettre dans une position intenable pour de futures échéances électorales. Les groupes les plus vindicatifs contre les présidents ne participent pas à la vie démocratique des établissements. Il leur est donc loisible de critiquer jusqu’à l’outrance celui qui en est l’émanation.

  • Le rôle d’internet

Il est multiplicateur. D’abord parce que ce nouveau média a grandement facilité le développement d’actions en dehors des syndicats (ce qui en soit n’est pas contestable et qui peut mener à des actions réellement participatives - comme SLR à ses débuts) ; ensuite parce que l’anonymat de beaucoup de blogs permet tout et n’importe quoi. Caché derrière un pseudo, on peut écrire à peu près ce qu’on veut. Ce grand « n’importe quoi » finit par créer une image de fond déplorable. Par exemple sur un blog de Libération : « Le problème est que le projet donne trop d’avantages, certains financiers, aux présidents d’université, qui deviennent juge et partie. Or certains n’ont pas un comportement très éthique. » Tiens donc ! Au passage, notons que les syndicats, eux, ont totalement manqué le virage d’Internet.

  • La LRU

A-t-elle amplifié le rejet des présidents par certains groupes d’étudiants et de personnels des universités ? Par deux aspects sans doute, oui. D’abord, la très grande majorité des présidents en fonction au moment de son vote (et la CPU d’alors) l’ont soutenue. Il est donc légitime pour des groupes combattant la LRU de combattre les présidents. On ne pouvait pas en dire autant lors d’autres mouvements (anti-CPE par exemple). Ensuite, la LRU accroîtrait, dit-on, le pouvoir des présidents. Bien qu’à mon avis, cela relève d’une lecture trop rapide de cette loi (le vrai pouvoir c’est le Conseil d’Administration qui l’a), il faut bien reconnaître que certaines maladresses de communication, ensuite habillement utilisées, ont pu donner cette impression. Il faut aussi dire que l’échelon proprement collégial de la prise de décision (ce que l’on appelle typiquement « the Senate » dans les universités anglo-saxonnes) a été mal traité par la LRU. L’idée que les décisions seraient maintenant purement administratives s’est donc fait jour. Et pas à tort, faute d’avoir entrepris une réelle réforme du « sénat en deux morceaux » des universités françaises que constitue l’ensemble conseil scientifique – conseil des études et de la vie universitaire. Plus le sous-préfet aux champs prend du pouvoir, sans contre-pouvoir collégial, plus c’est un adversaire obligé dont il faut caricaturer la position. D’autant plus que gérant un établissement public autonome, il n’a plus rien à voir avec un sous-préfet (profession par ailleurs respectable) et ressemble de plus en plus à un manager.

Voilà : une CPU qui compte, un mouvement en partie hors syndicats, un Internet débridé, une LRU imparfaite, des présidents qu’on pense trop puissants, la collégialité oubliée… Les ingrédients d’une mauvaise recette, qui ne brisera pas l’élan vers une autonomie assumée des universités.