Sous le titre « le grand micmac parisien », l’Officiel de la Recherche et du Supérieur » (ORS) écrit, en date du 22 avril 2009 : « Demandez à un observateur des universités son opinion sur les politiques d’alliances à Paris. La réponse sera souvent la même : « un grand bazar ». Sommés de constituer des groupements pour l’opération Campus, qui devaient préfigurer la création de PRES, les établissements de la capitale se sont en effet engagés dans un jeu complexe d’alliances, altérées par de réguliers retournements de situation. Pour mettre de l’ordre dans l’ensemble, le ministère de l’Enseignement supérieur a même estimé nécessaire de mandater un chargé de mission, l’ex-directeur général du CNRS Bernard Larrouturou, qui organise en ce moment la concertation ».
On ne peut qu’être en accord avec la tonalité générale de ce point de vue, mais il appelle d’emblée plusieurs remarques. Tout d’abord on peut s’étonner de voir associer aussi étroitement opération Campus et création de PRES. Lors du lancement de la première vague du plan Campus, le 6 février 2008, le ministère indiquait que « l’opération Campus vise à rénover et à redynamiser les campus existants grâce à un investissement massif et ciblé, pour créer de véritables lieux de vie, fédérer les grands campus de demain et accroître leur visibilité internationale. Il s’agit aussi de répondre aux situations immobilières les plus urgentes dans le cadre d’une réflexion plus globale permettant l’optimisation du patrimoine existant ». Il s’agissait d’un appel à projets auquel pouvaient répondre conjointement plusieurs établissements, mais il s’agissait avant tout d’opérations immobilières. Celles-ci pouvaient certes venir en appui de stratégies de rapprochement, mais l’association de plusieurs universités dans un projet Campus n’avait a priori aucune raison de « préfigurer un PRES ». Il est vrai que depuis leur institution par la LOPR (2006), les PRES - constitués ou en projet - sont des « auberges espagnoles ». La loi dispose que « plusieurs établissements ou organismes de recherche ou d’enseignement supérieur et de recherche, publics ou privés (..) peuvent décider de regrouper tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens, notamment en matière de recherche, dans un pôle de recherche et d’enseignement supérieur afin de conduire ensemble des projets d’intérêt commun ». Il s’agit, on le voit, d’une définition assez large, mais la loi prévoit parallèlement que « ces pôles peuvent être dotés de la personnalité morale, notamment sous la forme d’un groupement d’intérêt public, d’un établissement public de coopération scientifique ou d’une fondation de coopération scientifique ». Ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas simplement de mener en commun des opérations immobilières. Par ailleurs, qu’il s’agisse des PRES ou du plan Campus, l’initiative et le contenu du projet devaient revenir en principe aux établissements autonomes. Si cette philosophie a été plus ou moins respectée en province, il en va tout autrement à Paris où toute autonomie disparaît derrière la volonté planificatrice ministérielle - voire gouvernementale comme dans le cas du plateau de Saclay. Un exemple assez illustratif en a été donné par le Campus Condorcet. Il fallait trouver un moyen de financer la relocalisation de l’EHESS, que le CPER 2007-2013 ne couvrait que très partiellement. A partir de là, le ministère a conçu un projet plus ambitieux de campus de sciences humaines et sociales au nord de Paris, qui n’est plus une entreprise de « rénovation et de redynamisation des campus existants », mais une création entièrement nouvelle dont le principal problème était de savoir comment elle s’articulait avec les différentes universités partenaires. Les uns et les autres ont voulu en être dans la mesure où il y avait de l’argent à la clé, mais sans que cela soit l’expression de leurs projets propres. Ceci d’autant plus que les établissements concernés étaient déjà partenaires de projets de PRES distincts : l’EHESS était partie prenante du projet « Paris Universitas » tandis que Paris 1 était engagée dans le projet « Paris Centre Universités » et que Paris 8 et Paris 13 avaient amorcé un rapprochement dans un projet de « PRES Nord » qui figure par anticipation dans le CPER Ile de France 2007-2013. Et la question s’est effectivement posée de savoir si le projet « parachuté d’en haut » du Campus Condorcet remettait en cause les rapprochements antérieurs, ce qui montre bien le caractère embrouillé et indéterminé de toutes ces constructions.
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