On apprend que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a signé un accord avec les étudiants et l’intersyndicale du pôle universitaire guyanais (mettant fin à cinq mois de blocage), qui prévoit que leur faculté de 2000 étudiants, jusqu’ici partie intégrante de l’université des Antilles-Guyane (12.000 étudiants), prenne son indépendance et devienne une université de plein exercice[1]. Quiconque a vu de près le centre universitaire de Guyane ne peut qu’avoir des doutes sur la rationalité de cette décision et sur sa cohérence avec la politique nationale des regroupements découlant de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur. Remarquons que, dans le même temps, la Bretagne et les Pays de Loire envisagent de se rassembler dans une communauté interrégionale d’universités et d’établissements qui compterait plus de 200.000 étudiants ! Dans les deux cas, la rationalité est avant tout politique. En Guyane il s’agit de se débattre avec le passé colonial[2]. Pour la Bretagne et les Pays de Loire, il s’agit de maximiser leurs chances de décrocher un Idex que chacun des deux PRES convoitait et qu’ils ont raté le coup précédent.
C’est l’occasion de s’interroger sur les regroupements d’établissements et l’organisation de l’enseignement supérieur au niveau des territoires, qui constituent, sans aucun doute, l’élément le plus neuf de la nouvelle loi[3]. On se propose de regrouper dans une « communauté d’universités et établissements » qui est un EPCSCP (en fait une super-université) tous les établissements d’un même territoire dépendant du MESR (à l’exception notable de l’Ile de France) et, facultativement, les autres établissements d’enseignement supérieur. Cette coordination donne lieu à un seul contrat associant les collectivités territoriales, sous l’égide d’un établissement leader, comportant, d’une part, un volet commun correspondant au projet partagé et aux compétences partagées ou transférées et, d’autre part, des volets spécifiques à chacun des établissements regroupés (volets qui ne sont pas soumis à délibération du conseil d’administration de la communauté).
Si cette réforme se concrétise et si ces communautés se constituent effectivement en super-universités, elles marginaliseront les universités existantes (ce qui crée pas mal d’inquiétudes ici ou là). Du même coup les dispositions législatives relatives à la gouvernance des universités actuelles, qui constituent l’autre point significatif de la loi, passeront un peu au second plan, car les décisions essentielles remonteront au niveau des communautés (dont les conseils d’administration pourront très bien avoir une minorité d’élus directs[4]).
Pourquoi la nouvelle loi donne-t-elle autant d’importance aux « communautés » ? Ce n’est pas une réforme qui vient de la base, même si l’on doit reconnaître que depuis vingt ans les établissements se sont engagés sous des formes diverses dans des rapprochements, et qu’il y a même quelques projets de fusion qui ne datent pas d’hier. Mais pourquoi enfermer ces rapprochements dans un corset législatif, vouloir les systématiser et les normaliser ?