Archive for juillet 21st, 2016

Imprimer cet article Imprimer cet article

Initiatives d’excellence (Idex) et politiques publiques, de la droite à la gauche (3e partie)

Carl-Gustav Iacobino est un universitaire que ses responsabilités passées ont amené à s’intéresser aux Idex du Programme d’Investissement d’Avenir.

La différentiation des universités : un constat ou une nouvelle politique de l’Etat ?

Le principe même du PIA-Idex est de donner à certains pôles ou universités un prestige symbolique (Idex) et des moyens supplémentaires (dotation Idex). Il s’agit donc d’un système de différentiation organisé et contrôlé par l’Etat, lancé au moment même où les différentiations les plus importantes étaient soulignées par la publication de plusieurs classements internationaux.

Le lancement de la politique d’excellence, comme politique nationale étroitement contrôlée par l’État, souvent justifiée par la volonté d’être  internationalement compétitif, relève aussi de la croyance dans les vertus du nationalisme volontariste, qui est un bien commun entre une partie de la droite et de la gauche. Cette contradiction explique l’importance accordée par les pouvoirs publics aux « jurys  internationaux », souvent composés d’une majorité de personnes travaillant ou ayant travaillé en France.

La diversité des universités françaises est une évidence : il suffit de penser à l’écart existant entre d’une part l’UPMC ou Paris-Sud, puissantes universités très fortement soutenues par les organismes de recherche, et  d’autre part Pau, Angers ou Reims, qui ne jouent certainement pas dans la même catégorie pour la recherche, la répartition des étudiants entre cycles de formation, le rapport aux territoires, l’attractivité mondiale. Sans parler des universités d’outre-mer. Même si les cartes universitaires ont bien changé dans les 30 dernières années, la prédominance des plus grands sites (Paris bien sûr, Aix-Marseille, Lyon, Grenoble, Strasbourg, Montpellier : liste non exhaustive) est avérée et elle est souvent établie depuis plus de 100 ans (sauf Grenoble, dont l’essor se concrétise principalement après 1945).

S’il n’est pas très facile à une université outsider d’apparaître dans ce paysage, ce n’est pas tout à fait impossible sur le long terme. On peut penser à Nantes ou à Nice, où il n’y avait pas de facultés dans les années 60 et qui, sans être dans le peloton de tête, sont devenus des sites importants. Pendant ces soixante dernières années, les facteurs principaux de ces évolutions ont été l’augmentation du nombre d’étudiants, donc aussi des enseignants-chercheurs, provenant de la démographie pure (classes d’âge plus nombreuses) et de la démocratisation de l’enseignement supérieur. C’est pour ces raisons que des universités se sont créées à partir des années 60 dans des territoires importants dépourvus de tout enseignement supérieur couplé à la recherche, et certaines d’entre elles, plus particulièrement soutenues par des organismes de recherche, ont rejoint un groupe composé d’universités plus anciennes et plus prestigieuses.

L’État a toujours pris acte de cette évidence de la différentiation des universités. Il l’a fait d’une façon plus ou moins discrète jusqu’au début des années 80, sans assumer une politique explicite en ce domaine, sauf parfois en faveur de Paris, ou, au contraire pour aider l’émergence de nouvelles universités, en province ou dans la grande couronne.

Ce qui a changé avec la politique contractuelle lancée à la fin des années 80 : l’État a alors demandé aux universités de définir une stratégie et un projet, les encourageant à s’appuyer sur leurs points forts, donc à les identifier, mais aussi à corriger leurs points faibles. Et c’est sur cette base que s’engageait alors une négociation entre l’État et les établissements. 

Cette différentiation entre universités ne s’est cependant pas accompagnée de différentiation dans les outils utilisés par l’État : la politique contractuelle s’est appliquée à toutes les universités, certes avec des résultats et des niveaux de soutien différents.  Cette politique était l’une des illustrations de la façon dont Michel Rocard, alors Premier ministre, envisageait un rôle nouveau pour l’État, centré sur l’idée de contractualisation. Il s’agissait d’articuler des propositions émanant d’acteurs locaux (pas seulement dans le champ de l’enseignement supérieur) et une négociation menée par le gouvernement et les ministères, conduisant à un accord signé entre les parties. 

La revendication de plus en plus forte de ces différentiations a eu un impact sur d’autres sujets. Certains présidents d’universités ont considéré que la conférence des présidents d’université (CPU) rassemble des établissements trop différents pour pouvoir porter leurs intérêts spécifiques. C’est l’une des raisons de la création en 2008 de la CURIF (Coordination des universités de recherche intensive françaises) http://www.curif.org/fr/a-propos/historique/ qui rassemble aujourd’hui « 16 des 18 plus importantes universités françaises en terme de recherche » (texte de présentation de la CURIF par elle-même http://www.curif.org/fr/a-propos/en-bref/ ).  D’autres groupes se sont constitués depuis, pour occuper d’autres segments de la diversité des universités. Il ne s’agit pas là d’initiatives de l’État mais, comme c’est fréquent dans d’autres pays, d’initiatives des présidents d’établissements autonomes. Il y a des évolutions voisines en Europe. On pense à la création en 2001 de l’EUA (European University Association : http://www.eua.be/) association qui a aujourd’hui plus de 800 membres dont 46 en France; suivie de la création en 2002 de la LERU, Ligue européenne des universités de recherche (http://www.leru.org/index.php/public/about-leru/ qui regroupe aujourd’hui 21 universités, dont 3 françaises.

lire la suite…



IPSCounter Add-On for Google Sitebar