Comme il était à prévoir, la loi sur l’autonomie des universités a provoqué des réactions tranchées qui renvoient à des oppositions politiques qui dépassent de beaucoup l’objet de la loi. Les uns chantant ses louanges sur un ton hyperbolique (Richard Descoings, Le Monde du 4.07.07), les autres y voyant la première manœuvre d’une entreprise visant à asservir l’université et la recherche à une logique de « management » (communiqués de l’Association « Sauvons la Recherche »).
Archive for juillet, 2007


Note : Ce texte a été publié dans le bulletin n°6 du Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (LATTS).
Beaucoup d’observateurs s’accordent à penser que le système universitaire français a connu des évolutions profondes en dépit de ses blocages institutionnels. L’introduction des contrats quadriennaux est identifiée comme un tournant décisif[1]. Dans leur rapport[2], Aghion et Cohen voient dans ces évolutions l’espoir d’une « réforme incrémentale » qui ferait l’économie de mesures législatives traumatisantes. Sans sous-estimer l’importance et la valeur de ces transformations progressives, je pense qu’on est arrivé à la limite de ce qu’il est possible de faire sans réformes institutionnelles.
Tout d’abord, l’écart qui s’est établi aujourd’hui entre la lettre de la loi générale et les pratiques de certains établissements, est somme toute assez « immoral ». Ce sont les « universités » les plus éloignées de la loi de 1984 qui sont le mieux considérées[3]. Ce sont celles qui ne sont que des facultés déguisées, ou qui fonctionnent comme des consortiums de facultés autonomes, qui ont le moins de mal à s’accommoder d’un cadre légal dont elles font un usage « amorti ». Par ailleurs, la loi a été la couverture égalitariste d’un paysage universitaire qui s’est considérablement diversifié ; mais il s’est diversifié davantage grâce à des « rentes de situation » qu’à des stratégies scientifiques audacieuses. Ainsi les grandes « universités de recherche » se sont contentées d’intégrer, de façon parfois assez formelle, les laboratoires CNRS installés sur leurs campus[4]. Peu d’universités ont une certaine capacité stratégique, et elles ne sont pas pluridisciplinaires… Les classements des universités reflètent davantage leur « portefeuille de chercheurs » que leur dynamisme propre.

Le projet de loi sur les universités change plusieurs points dans les relations entre le CA et le président. L’une des innovations majeure, sur laquelle cette note attire l’attention parce qu’elle est peu commentée, est que le mandat du président et celui du CA coïncideraient, pour une durée de 4 ans, et que c’est à chaque renouvellement de CA que celui-ci décidera du choix du président. Ce point, inspiré par le fonctionnement des assemblées politiques (conseils municipal, général ou régional) introduit un changement que je crois globalement négatif. C’est l’objet de cette note que d’expliquer mon point de vue.
L’idée de bon sens, et qu’on ne peut que soutenir, qui préside à l’alignement du mandat du président sur celui du CA est d’espérer que le président aura, pendant 4 ans, une majorité stable sur la base d’un projet qui aura été présenté en amont aux électeurs « internes » à ce CA (enseignants, étudiants, ATOS), qui sont les seuls à voter pour le choix du président. Ce dispositif va pousser à la constitution de listes de candidats aux élections au CA, ayant indiqué dès leur dépôt de candidature quel projet de quel candidat à la présidence ils défendent. Ce mécanisme, classique dans les élections politiques, fonctionne pour ces dernières (hors le cas des toutes petites communes, qui ne sont guère assimilables aux universités) parce que les partis politiques jouent un rôle central dans la constitution des listes de candidats et dans l’élaboration des contrats de mandature.
Il n’y a dans le monde universitaire aucune institution qui ait sur ce sujet (établir des listes, faire des arbitrages pré-électoraux) et vis-à-vis des élections universitaires, la légitimité qu’ont les partis politiques vis-à-vis des élections politiques.