Archive for mai, 2009

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28 mai 1871 : Le dernier des fédérés

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“La dernière barricade des journées de mai est rue Ramponneau. Pendant un quart d’heure, un seul fédéré la défend. Trois fois il casse la hampe du drapeau versaillais arboré sur la barricade de la rue de Paris. Pour prix de son courage, le dernier soldat de la Commune réussit à s’échapper.”

Prosper-Olivier Lissagaray, in “Histoire de la Commune”

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La grippe de Shanghai

Bernard Teissier est directeur de recherche au CNRS (Institut de mathématiques de Jussieu)

La grippe de Shanghai touche une population spécifique : les décideurs universitaires. Elle s’attaque directement à la capacité de prendre des décisions rationnelles, voire aux facultés intellectuelles. Le nom de la maladie provient d’un classement mondial des universités destiné à l’origine à orienter  les étudiants chinois vers les meilleures universités étrangères. Il repose sur des critères numériques arbitraires qui favorisent à l’extrême un certain type d’université et un certain type d’activité scientifique. La qualité de la formation et l’effet global qu’une université peut avoir sur ses étudiants n’interviennent que via le nombre de prix Nobel et de médailles Fields parmi les anciens élèves (poids 10%) et la “performance académique” des élèves (10%).

Les victimes de la grippe de Shanghai font de ces nombres absurdes un vrai critère de qualité et orientent la stratégie de l’enseignement supérieur en fonction de l’objectif de voir les universités s’élever dans le classement. La France est particulièrement touchée en raison du réflexe acquis dans les classes préparatoires, qui fait que dès qu’un responsable voit un quelconque classement, il désire y figurer en bonne position.

Un des premiers effets visibles en France de cette maladie insidieuse est la création des PRES, acronyme bien connu de “Pour Réussir à s’Elever dans Shanghai”, groupements formels d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche qui font perdre une quantité considérable d’énergie et de moyens pour un résultat qui ne résistera probablement pas longtemps à la concurrence organisée par la LRU et au remplacement prévisible du classement de Shanghai par un autre plus réaliste.

Mais l’Europe toute entière est  victime de l’épidémie. Ses politiciens avaient affirmé que le processus de Lisbonne mettait l’étudiant au centre du dispositif universitaire; ils avaient omis de préciser qu’il s’agissait surtout de l’étudiant chinois, ou plutôt de l’image erronée que, très atteints par la grippe, ils s’en font.

Ils s’imaginent que les universités bien classées rouleront sur l’or comme l’Université Harvard avant la crise, et auront le même prestige qu’elle, dès lors qu’elles accueilleront en masse les étudiants chinois, émiratis, indonésiens ou autres censés faire leurs choix principalement en fonction du fameux classement en négligeant le reste,  par exemple les droits d’inscription.

Leur aveuglement grippal leur cache que la Chine, terriblement sous-équipée en Universités, développe son enseignement supérieur et sa recherche à une vitesse phénoménale, de même que les Emirats et autres lieux pétrolifères. Dans moins de 15 ans ils n’auront plus besoin d’envoyer beaucoup d’étudiants à l’étranger.

La politique idéologique et désastreuse menée par notre gouvernement depuis quelques années fait prévoir qu’au contraire dans 5 à 10 ans, et probablement même plus tôt, les meilleurs apprentis chercheurs français devront aller étudier ailleurs, dans les pays qui mènent en ce moment une politique intelligente, et par exemple en Chine. Il nous faudra alors faire un classement des universités étrangères…et payer les frais d’inscription.

C’est ce qui arrive lorsque l’on croit pouvoir faire l’économie de la connaissance.

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Recomposition/Décomposition de l’université parisienne

Sous le titre « le grand micmac parisien », l’Officiel de la Recherche et du Supérieur » (ORS) écrit, en date du 22 avril 2009 : « Demandez à un observateur des universités son opinion sur les politiques d’alliances à Paris. La réponse sera souvent la même : « un grand bazar ». Sommés de constituer des groupements pour l’opération Campus, qui devaient préfigurer la création de PRES, les établissements de la capitale se sont en effet engagés dans un jeu complexe d’alliances, altérées par de réguliers retournements de situation. Pour mettre de l’ordre dans l’ensemble, le ministère de l’Enseignement supérieur a même estimé nécessaire de mandater un chargé de mission, l’ex-directeur général du CNRS Bernard Larrouturou, qui organise en ce moment la concertation ».

On ne peut qu’être en accord avec la tonalité générale de ce point de vue, mais il appelle d’emblée plusieurs remarques. Tout d’abord on peut s’étonner de voir associer aussi étroitement opération Campus et création de PRES. Lors du lancement de la première vague du plan Campus, le 6 février 2008, le ministère indiquait que « l’opération Campus vise à rénover et à redynamiser les campus existants grâce à un investissement massif et ciblé, pour créer de véritables lieux de vie, fédérer les grands campus de demain et accroître leur visibilité internationale. Il s’agit aussi de répondre aux situations immobilières les plus urgentes dans le cadre d’une réflexion plus globale permettant l’optimisation du patrimoine existant ». Il s’agissait d’un appel à projets auquel pouvaient répondre conjointement plusieurs établissements, mais il s’agissait avant tout d’opérations immobilières. Celles-ci pouvaient certes venir en appui de stratégies de rapprochement, mais l’association de plusieurs universités dans un projet Campus n’avait a priori aucune raison de « préfigurer un PRES ». Il est vrai que depuis leur institution par la LOPR (2006), les PRES - constitués ou en projet - sont des « auberges espagnoles ». La loi dispose que « plusieurs établissements ou organismes de recherche ou d’enseignement supérieur et de recherche, publics ou privés (..) peuvent décider de regrouper tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens, notamment en matière de recherche, dans un pôle de recherche et d’enseignement supérieur afin de conduire ensemble des projets d’intérêt commun ». Il s’agit, on le voit, d’une définition assez large, mais la loi prévoit parallèlement que « ces pôles peuvent être dotés de la personnalité morale, notamment sous la forme d’un groupement d’intérêt public, d’un établissement public de coopération scientifique ou d’une fondation de coopération scientifique ». Ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas simplement de mener en commun des opérations immobilières. Par ailleurs, qu’il s’agisse des PRES ou du plan Campus, l’initiative et le contenu du projet devaient revenir en principe aux établissements autonomes. Si cette philosophie a été plus ou moins respectée en province, il en va tout autrement à Paris où toute autonomie disparaît derrière la volonté planificatrice ministérielle - voire gouvernementale comme dans le cas du plateau de Saclay. Un exemple assez illustratif en a été donné par le Campus Condorcet. Il fallait trouver un moyen de financer la relocalisation de l’EHESS, que le CPER 2007-2013 ne couvrait que très partiellement. A partir de là, le ministère a conçu un projet plus ambitieux de campus de sciences humaines et sociales au nord de Paris, qui n’est plus une entreprise de « rénovation et de redynamisation des campus existants », mais une création entièrement nouvelle dont le principal problème était de savoir comment elle s’articulait avec les différentes universités partenaires. Les uns et les autres ont voulu en être dans la mesure où il y avait de l’argent à la clé, mais sans que cela soit l’expression de leurs projets propres. Ceci d’autant plus que les établissements concernés étaient déjà partenaires de projets de PRES distincts : l’EHESS était partie prenante du projet « Paris Universitas » tandis que Paris 1 était engagée dans le projet « Paris Centre Universités » et que Paris 8 et Paris 13 avaient amorcé un rapprochement dans un projet de « PRES Nord » qui figure par anticipation dans le CPER Ile de France 2007-2013. Et la question s’est effectivement posée de savoir si le projet « parachuté d’en haut » du Campus Condorcet remettait en cause les rapprochements antérieurs, ce qui montre bien le caractère embrouillé et indéterminé de toutes ces constructions.

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