Archive for juin, 2011

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Les surprises du classement Q&S pour les mathématiques

Entre 2004 et 2009, le classement des universités de Quacquarelli Symonds (Q&S), société privée basée à Londres qui conseille les étudiants “à haut potentiel” pour leurs études et leurs carrières, était produit pour le compte du Times Higher Education de Londres, et était publié comme classement du Times (classement THE). Mais depuis 2010, les classements de Q&S et THE sont distincts. Le classement Q&S 2010, qui vient de sortir, donne des résultats surprenants, comme on le verra ci-dessous dans le cas des mathématiques. Dans cette note, je discute quelques questions que cela pose.

C’est le Times Higher Education qui a décidé, en 2009 de changer de méthodologie (et de partenaire) pour son classement. Sa rédaction estimait que la méthode précédente, basée en grande partie (40% du score total) sur la réputation des institutions était biaisée, notamment par la taille trop réduite du panel consulté. A l’issue d’une vaste consultation, elle a réactualisé ses critères, et choisi un nouveau partenaire, Thomson Reuters, la société qui produit, entre autres, le Science Citation Index[1]. Les nouveaux critères incluent encore la réputation, et Thomson Reuters fait appel à Ipsos pour cette partie de l’étude. Parmi les autres aspects pris en compte figurent la bibliométrie, l’internationalisation du corps enseignant…

La réputation, qui compte pour 50% dans le classement de Q&S, est établie en interrogeant un panel d’universitaires, chercheurs, mais aussi de responsables des ressources humaines d’entreprises du  monde entier : 15 000 universitaire et 5 000 DRH. On demande à chaque expert de dire à quel grand champ disciplinaire il appartient ; il y en a cinq : sciences de la nature, bio-médecine, technologie, sciences sociales, humanités et arts. Puis chaque expert classe jusqu’à trente institutions qui lui paraissent être les meilleures dans son domaine. En ce qui concerne les DRH, on leur demande dans quelles universités ils recrutent en priorité. L’autre moitié de l’évaluation se base sur des indicateurs objectifs : nombre de professeurs/chercheurs étrangers, nombre d’étudiants étrangers, et évidemment bibliométrie (établie en partenariat avec l’éditeur scientifique Elsevier).

L’enquête Q&S a l’avantage, si l’on peut dire, d’inclure un classement particulier pour les mathématiques. Dans la mesure où les mathématiques ne sont pas identifiées comme un domaine disciplinaire, cela peut paraître problématique (qui sont les experts appelés à donner leur opinion sur les départements de mathématiques ?), mais ils ont bien publié un classement. A contrario, THE ne publie pas de classement en mathématiques autre que celui qui est basé entièrement sur la bibliométrie ; nous nous y arrêterons un peu plus loin.

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Des jésuites au CNU ?

Le texte suivant émane de la Commission Permanente du Conseil National des Universités (CP-CNU). Après les petits scandales d’auto-promotion qui ont marqué certaines sections du CNU, comme la 19ème section de Sociologie, ce texte est un petit bijou de jésuitisme qui se passe de commentaires. Ou plutôt, avant tout commentaire ultérieur, je vous laisse le plaisir de déguster ce texte qui mérite d’être largement diffusé…

On lira deux commentaires en post-scriptum.

 

La fausse question dite de « l’auto-promotion »
La CP-CNU dénonce fermement le soupçon de partialité que fait peser sur les pratiques du CNU en matière de promotion nationale le discours qui, quel qu’en soit sa forme et son auteur, évoque les « auto-promotions CNU » -ou encore la « part nationale » des promotions-, c’est-à-dire, pour parler clair, les promotions des membres du CNU -PR ou MC- par la

section à laquelle ils appartiennent. Une telle démarche visant à établir que tous les candidats à un avancement de grade ne seraient pas également traités dans la mesure où interviendrait le critère de l’appartenance au CNU est manifestement fallacieuse.Quelques évidences doivent ici être rappelées.

1. La notion d’ « auto-promotion » est sans pertinence. En effet, le terme « auto » renvoie à soi-même ou aux siens. Il reste à identifier quel est le cercle des siens. Or, en la matière, de multiples hypothèses sont envisageables et pourront être tirées de statistiques qui, à défaut d’être vérifiables, se prêtent à toutes les interprétations et déductions. En d’autres termes, les sections du CNU pourraient aussi bien être suspectées de pratiques différenciées selon d’autres types d’appartenance des candidats : laboratoire de recherche, lieu d’exercice, école de pensée, spécialisation disciplinaire, affiliation politique ou syndicale …. La notion d’ « auto-promotion » est par elle-même insaisissable. Il s’agit ainsi d’un procès fondé sur des données statistiques dont on ne peut rigoureusement extraire aucune donnée probante mais auxquelles, en revanche, l’on peut faire dire à peu près ce que l’on veut… Il est illusoire -si l’on en avait la tentation- de vouloir établir des statistiques et présenter des pourcentages à partir d’une population (nombre de candidats appartenant au CNU pour telle promotion dans telle section) beaucoup trop faible. Un exemple suffit à montrer l’absurdité du procédé. Si une section CNU a un seul de ses membres candidat, par exemple, a la promotion PR 1° classe, on ne saurait bien évidemment « constater » un taux d’ « auto-promotion » de 100 %., quel que soit par ailleurs le nombre total de promotions au titre du contingent national, le nombre de promouvables, le nombre de candidats ayant déposé un dossier ! Autant dire que si la population française comporte 16% de gauchers et que la section X doit examiner cinq candidatures à la PR 1°classe dont celle d’un gaucher qu’elle promeut, le taux de promotion des gauchers par la section X est de 100% ! De telles statistiques établies seraient vides de sens.
2. La question dite de l’ « auto-promotion » -si l’on admettait un instant qu’elle puisse être pertinente- ne saurait être limitée, sauf à procéder à une analyse partielle et partiale, aux seules promotions nationales effectuées par le CNU. C’est oublier que 50% des promotions relèvent du pouvoir de décision des établissements. Il conviendrait alors de s’intéresser également au phénomène des « auto-promotions » locales et de se pencher sur les promotions des membres de ses divers conseils effectuées par chaque Université, sans parler de celle de son Président. L’autonomie des établissements ne saurait en effet justifier que l’on soit indifférent à la manière dont sont traitées les candidatures au niveau local, en vertu du principe d’égalité des enseignants-chercheurs. On se bornera ici à souligner que, compte tenu de la répartition géographique et disciplinaire qui caractérise la composition même de chaque section du CNU, le degré de « proximité » d’un membre du CNU avec les autres membres de sa section est sans conteste moins important que celui d’un membre d’un conseil d’administration ou d’un conseil scientifique avec l’équipe présidentielle de l’Université.
3. Les promotions, qu’elles soient nationales ou locales, ont lieu au mérite. Laisser penser que les promotions des membres du CNU pourraient obéir à d’autres motifs conduit nécessairement à remettre en cause le principe démocratique qui est au fondement même de la gestion du corps des enseignants-chercheurs. Les membres siégeant au CNU sont, pour les 2/3 d’entre eux, élus. On peut raisonnablement penser que leur compétence a pesé dans leur élection comme elle pèse au moment de l’examen de leur dossier de candidature à une promotion. On voudra également faire crédit à Madame la Ministre et à ses prédécesseurs de croire qu’elle ne choisit pas les membres nommés du CNU sur des critères autres que ceux de leur compétence. Il suffit, d’ailleurs, de consulter les listes des membres du CNU promus par les sections lors des dernières campagnes d’avancement pour constater que, sauf cas marginaux, leur promotion ne souffre pas de contestation au sein du corps auquel ils appartiennent.
4. Aucune règle du statut de la fonction publique ne saurait justifier que les membres du CNU ne puissent présenter -comme tout autre membre de la fonction publique- leur candidature à une promotion et s’interdisent pendant la durée de leur mandat (4 ans) de bénéficier d’une telle promotion, alors même qu’ils remplissent une lourde charge. Une telle interdiction s’avérerait discriminatoire. Il appartient à chaque section du CNU de définir librement sa politique en la matière et de décider si elle considère, selon ses traditions et usages, que ses membres peuvent ou non être promus. La pratique des sections est ici diverse et c’est là le propre de la liberté universitaire. On ajoutera que la nouvelle procédure relative aux promotions ne distingue plus la voie « nationale » et la voie « locale » et suppose que toute candidature soit examinée par le CNU.
5. Le CNU est désormais doté de règles déontologiques strictes, à l’élaboration desquelles la CP-CNU a largement contribué, qui encadre son mode de fonctionnement : Publicité des critères de promotion : les critères de promotion doivent être énoncés dans le rapport annuel d’activités de la section et sont affichés sur le site de la CP-CNU (art. 40-I et 56-I du décret du 6 juin 1984 modifié relatif au statut des enseignants-chercheurs ; art.1 du décret du 16 janvier 1992 modifié relatif au CNU). La pratique de nombreuses sections, antérieurement à la modification du décret de 1984, était, au demeurant, de rendre publique la liste des membres promus. Exigence déontologique : interdiction pour le membre du CNU candidat à une promotion de siéger durant toute la session de sa section consacrée à l’examen des candidatures à ladite promotion (art. 15 al.1 de l’arrêté du 19 mars 2010 fixant les modalités de fonctionnement du CNU). Cette règle était déjà appliquée par de nombreuses sections avant l’adoption de cet arrêté. Transparence : obligation pour les candidats au CNU (comme pour les membres nommés) de publier une notice biographique (art.4 du décret relatif au CNU).La collégialité des décisions rendues dans ce cadre constitue, au demeurant, le meilleur gaged’une décision conforme aux principes défendus par le CNU.
 6. Il faut y insister : la procédure des promotions nationales par le CNU fournit des garanties de nature déontologique que n’offre en aucune manière la procédure des promotions locales. Et si l’on ne saurait évidemment prétendre que les choix du CNU sont indiscutables, ils ne le sont ni plus ni moins que ceux de tout autre organe collégial. Ajoutons seulement que la publicité de ses décisions et le rapport public qui les éclaire permettent à chacun d’en vérifier le bien fondé. Les analyses qu’ils suscitent sont le corollaire de cette transparence. Il est souhaitable que cette dernière ne favorise pas l’instruction de faux procès.

7. Statuant en matière d’avancement de grade, la section compétente du CNU est un jury de concours qui se prononce sur les mérites des candidats. Le bien fondé de ses décisions, qui échappe au contrôle du juge, ne saurait être discuté et remis en cause par quiconque.

Conclusion

  • Le CNU rend des comptes sur ses procédures et ses décisions (affichage des critères ; publication de la liste des promus ; rapport annuel d’activité …). Il n’a pas à se lancer dans la démonstration de sa probité. C’est à ceux qui mettent en doute celle-ci et, par là même, mettent en cause le principe démocratique de l’élection du CNU, qu’il revient de démontrer précisément le caractère manifestement infondé d’une promotion et d’établir qu’un ou plusieurs candidats non retenus avaient un dossier d’une qualité supérieure à celle du candidat promu.
  • La CP-CNU demande solennellement l’abandon de l’usage du terme « autopromotion» dans toutes les publications internes et publiques du MESR et que ce dernier renonce à toute tentative visant à évaluer statistiquement une prétendue « part nationale » dans les promotions du CNU.

 

Commentaires

 

1- Pierre Arnoux, professeur à l’université Aix-Marseille II, me signale que la position de la section Mathématiques du CNU se démarque nettement de celle formulée dans le texte précédent. On peut lire en effet sur la page CNU section 25 :

Sur le fonctionnement du CNU 25 de 2008 à 2011 : lors de la campagne de qualication, les 4, 5 et 6 février 2008, les membres du CNU 25 ont abordé les questions de la promotion et des CRCT de ses membres durant les 4 années à venir du mandat de cette section. A été adoptée la position suivante :

Les membres du CNU 25 ne pourront bénéficier d’une promotion ni d’un Congé de Recherche et de Conversion Thématique au niveau du CNU durant leur appartenance à la commission. Ils peuvent néanmoins être candidat à une promotion ou un CRCT au niveau de leur établissement d’origine. Il est demandé aux membres du conseil, lors d’une éventuelle candidature à la promotion ou à une CRCT au niveau local, de préciser qu’ils ne candidatent pas au titre du CNU en raison de la position achée ci-dessus.

JFM : Il faut noter cependant que la dernière phrase est désormais caduque car la dernière mouture de la réforme ne fait plus de différence entre niveau local et national : on ne peut plus demander une promo locale sans la demander au CNU. Si donc la section 25 s’en tient à la position qu’elle avait adoptée en 2008, les membres du CNU25 ne pourront plus candidater pendant 4 ans.

2- Colette Guillopé, professeur à l’université Paris Est Créteil, apporte les précisions suivantes :

  • Les décrets statut et CNU du 23 avril 2009 sont effectivement appliqués depuis les promotions 2010.
  • Les collègues matheux de la section 25, et sans doute aussi de la section 26, ont adopté le fonctionnement suivant pour les membres du CNU:
  1. Inscrire sur le dossier de promotion qu’on ne souhaite pas être examiné par le CNU pour une promotion CNU.
  2. Le CNU ne renvoie aucune indication à l’établissement sur le dossier examiné, et cela est vrai pour tous les candidats. (Je ne me souviens plus de la formulation exacte, mais cela est très explicite. Le CNU refuse purement et simplement toute forme de classement en A, B ou C, ou toute autre forme. Les candidats sont promus par le CNU ou ils ne le sont pas, voilà tout.)
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Le potentiel gâché des jeunes issus de l’immigration

Tout a été dit sur la récente déclaration du ministre de l’Intérieur suivant laquelle « les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec des enfants d’immigrés ». Au-delà du mensonge largement dénoncé, ceci renvoie à une réalité politique assez déprimante et nauséabonde. Chacun sait que les forces politiques de droite et d’extrême droite ont lancé depuis quelque temps une offensive en règle contre l’immigration, et que tous les arguments sont bons. Il ne sert à rien de s’énerver contre ce qui relève finalement de la mauvaise foi et du parti-pris idéologique. Mais c’est une bonne occasion pour regarder en face cette réalité des jeunes issus de l’immigration, sans en occulter les aspects paradoxaux.

Le ministre de l’Intérieur prétendait s’appuyer sur un rapport du Haut Conseil à l’Intégration (HCI) de 197 pages dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne se laisse guère résumer à la formule lapidaire du ministre. Antérieurement à ce rapport du HCI, d’intéressantes études étaient parues[1] qui éclairent ce sujet complexe de l’intégration par l’Ecole. C’est aussi un sujet abordé par les enquêtes internationales PISA. La plupart des commentateurs s’appuient sur les mêmes rapports, mais ils n’en retiennent que les parties qui les intéressent et ils en tirent les conclusions qui leur conviennent, dans une formulation qui n’est jamais innocente. Il est donc intéressant de parcourir ces études avant de se lancer dans la polémique. Les chiffres et les textes cités ci-dessous sont tirés de ces divers documents.

Une précision avant d’aller plus loin : Qu’est-ce qu’on entend lorsqu’on parle d’élèves issus de l’immigration ? Attention ! Ceci peut varier suivant les enquêtes et les rapports considérés.

Il peut s’agir d’élèves de la première génération qui sont nés en dehors du pays et dont les parents sont également nés dans un autre pays, ou bien des élèves de la deuxième génération qui sont nés dans le pays mais dont au moins l’un des parents est né dans un pays étranger. Par élèves issus de l’immigration (ou descendants d’immigrés) on entend le plus souvent en France l’ensemble de ces deux catégories (la seconde étant incomparablement plus nombreuse que la première)[2]. Certains de ces élèves issus de l’immigration sont français du fait de l’acquisition de la nationalité française par leurs parents ; les autres pourront le devenir à 18 ans, ou dès l’âge de 13 ans ou 16 ans par déclaration anticipée (en 2008, plus de 55 000 enfants d’origine étrangère sont ainsi devenus français). Ils peuvent enfin vivre de manière irrégulière sur le territoire, sans titre de séjour valable. La situation administrative de ces élèves n’est pas renseignée par les établissements scolaires qui les accueillent. L’Ecole inscrit chaque année des milliers d’enfants sans papiers. L’association « Réseau éducation sans frontière » en recense entre 50.000 et 100.000. Au total, les descendants d’immigrés sont 6 millions, dont 4,3 millions de 15 ans et plus et 1,85 millions de moins de 15 ans.

Il faut noter que l’enquête internationale PISA adopte des définitions un peu différentes dans ses évaluations. Pour PISA, les élèves de la seconde génération sont ceux qui sont nés dans le pays, de deux parents étrangers. Elle compare les élèves issus de l’immigration aux élèves autochtones définis comme nés dans le pays de l’évaluation et dont un parent au moins est né dans ce pays.

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