Le mathématicien franco-vietnamien Ngô Bao Châu, aujourd’hui professeur à l’université de Chicago, après un passage à Orsay et à Princeton, a obtenu en 2010 la prestigieuse médaille Fields. Il faut savoir quand même qu’après l’Ecole normale supérieure et la thèse, il a commencé sa carrière de chercheur au laboratoire de mathématiques de l’Université Paris 13 à Villetaneuse où il est resté pendant 7 ans jusqu’en 2004, année où il reçoit (avec Gérard Laumon) le très prisé Clay research award. Cette nouvelle médaille Fields française n’est évidemment pas passée inaperçue et a été célébrée dans de nombreux médias. Mais nombre d’entre eux ont passé sous silence l’université dans laquelle Ngô Bao Châu a passé son habilitation à diriger des recherches (HDR), a organisé des séminaires et où ses recherches ont fait un pas décisif. En effet, cela fait désordre d’annoncer qu’une médaille Fields sort d’une université implantée en Seine Saint-Denis, dans un panorama médiatique de voyous qui brûlent les voitures et caillassent les flics. La crédibilité de la politique dite des « pôles d’excellence » (qui vise à concentrer le système universitaire sur un petit nombre de pôles) en prend aussi un coup si l’on apprend que d’excellents chercheurs prospèrent au milieu des cités. Certes on ne parle ici que de mathématiques qui n’ont pas besoin de grands instruments coûteux comme la physique ou la biologie, mais quand même… Ngô Bao Châu, lui, reste fidèle à son laboratoire et à son ancienne université où il reviendra le 19 novembre prochain fêter sa médaille Fields avec les universitaires et les scolaires du nord parisien et d’ailleurs…
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Voir aussi le commentaire qui suit cet article.
Dans le mouvement de protestation contre la réforme de l’université, il a été parfois question du « principe constitutionnel d’indépendance » des professeurs (ou des enseignants chercheurs[1]). Ce principe est encore invoqué dans un récent arrêt du Conseil Constitutionnel validant certaines dispositions de la LRU qui avaient fait l’objet d’une « question prioritaire de constitutionnalité »[2]. Mais ce principe n’est jamais énoncé clairement et explicitement, ce qui ne manque pas de troubler des universitaires non juristes dont je suis. Pour répondre à ces interrogations, hasardons nous à exposer le fond de l’affaire[3].
Le préambule de la constitution de la Ve République renvoie explicitement à celui de la Constitution de 1946 qui réaffirme solennellement les droits et libertés consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et introduit « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Le préambule cite certains principes politiques, économiques et sociaux, (comme l’égalité homme-femme, le droit de grève, le droit à l’emploi…), mais le principe d’indépendance des professeurs d’université n’y figure pas. C’est le Conseil constitutionnel qui a fondé ce principe par sa jurisprudence.

La ministre Valérie Pécresse a choisi de donner au Figaro Magazine une interview exclusive pour présenter l‘enquête nationale sur l’insertion des diplômés bac+5 de l’université. Elle la présente avec éclat comme « le premier palmarès des universités ». Et c’est un fait qu’au concours des palmarès foireux, celui-ci va peut-être gagner le premier prix. Ses faiblesses méthodologiques frisent la malhonnêteté politique et dénotent, à tout le moins, un manque d’exigence intellectuelle. Je ne saurais trop recommander au lecteur de consulter les nombreuses chroniques que Pierre Dubois à consacrées dans son blog aux indicateurs d’insertion, sur EducPros et LeMonde.fr. On y trouvera des analyses détaillées et précises. Le sociologue Pierre Dubois sait de quoi il parle ; il a dirigé l’OFIPE de l’université de Marne la Vallée, et connaît bien le réseau des observatoires universitaires de l’insertion professionnelle. Ses critiques sont sanglantes mais le plus souvent font mouche.
On ne peut que souscrire aux objectifs de l’enquête : avoir des informations sur l’insertion des diplômés de l’université. C’est un sujet complexe et une tâche difficile. On ne saurait reprocher à ceux qui s’y sont essayés des incertitudes, des approximations, et même des erreurs dans les résultats, à condition qu’elles ne soient pas masquées derrière un discours sans faille. Et ce qui est proprement scandaleux c’est de convertir cet essai en un palmarès où les universités sont classées au dixième de point près comme s’il s’agissait de la mesure d’une constante physique universelle. Ce qui trahit d’ailleurs un engagement antérieur de ne comparer les performances des établissements que toutes choses égales par ailleurs.
C’est une mauvaise action qui démonétise les efforts que l’on pourra faire pour une meilleure connaissance des débouchés des diplômes et de la valeur ajoutée des formations qui y conduisent. Valérie Pécresse a perdu une bonne occasion de rester modeste. Avec une pareille copie, elle risque fort de rater son examen terminal.
